Atteinte de la maladie de Lyme (maladie bactérienne transmise par une tique) dans sa forme chronique, Norma Benoit-Jeannin témoigne de son quotidien. Une maladie non reconnue qui la conduit vers l'enfer. Par Béatrice Cherry-Pellat
A l’instar de Matthias Lacoste, l’Ardéchois en grève de la faim depuis plus d’une semaine pour que sa pathologie soit reconnue (il ne perçoit plus d’indemnités journalières et ne peut recommencer à travailler), ils sont des milliers en France à souffrir de la maladie de Lyme, une maladie bactérienne transmise par la piqûre d’une tique infectée. Si un traitement antibiotique de trois semaines est prescrit aux malades pour enrayer la bactérie, sa forme chronique résiste à ce simple traitement et fait des ravages dans le quotidien des malades. Norma Benoit-Jeannin, une Vernonnaise de 39 ans atteinte par la maladie, raconte son combat pour obtenir des soins.
Norma vit avec son mari et ses cinq enfants dans une belle maison du centre-ville de Vernon. Une maison sur deux étages dans laquelle la famille s’est installée il y a deux ans. Depuis près d’un an, Norma vit sous les toits, dans sa chambre. Elle descend de temps à autre, lorsque son corps le lui permet, et ne sort que rarement. L’été dernier, quand la maladie de Lyme s’est déclarée, Norma a vu sa vie basculer.
En juin, alors que trois de ses enfants sont malades, Norma commence à ressentir une grande fatigue : « J’avais des fourmillements dans les pieds, la nuque bloquée, des douleurs terribles dans tout le corps, j’étais épuisée mais je ne pouvais pas dormir tellement je souffrais ». Son système immunitaire fragilisé, la maladie de Lyme venait de se réveiller…
« Peu de médecins prennent cette maladie au sérieux »
Quelques semaines plus tard, épuisée et sans force, elle consulte un neurologue et passe une IRM. Aucune pathologie n’est révélée. Chimiste de formation, Norma commence alors à décortiquer ses propres analyses de sang : « C’est là que j’ai découvert les résultats de la sérologie de Lyme, ils étaient à la limite ». Norma fait alors des recherches sur cette pathologie et entre en contact avec les médecins du réseau Chromined à Paris qui identifient bel et bien la maladie de Lyme et lui administrent un traitement antibiotique. « En France peu de médecins prennent cette maladie au sérieux. On nous dit qu’après trois semaines d’antibiotiques, la maladie est enrayée mais dans sa forme chronique, c’est faux », insiste Norma.
Son parcours du combattant démarre. Norma supporte mal son traitement et se retrouve hospitalisée à Mantes-la-Jolie durant une semaine. « Lorsque je suis sortie, j’ai fait des recherches sur internet. J’ai vu qu’il y avait beaucoup de malades de Lyme en Allemagne et qu’un médecin avait créé une clinique spécialisée en Bavière. J’ai obtenu un rendez-vous en octobre ».
« Plus la bactérie meurt, plus on souffre »
À l’automne, la maladie empire encore, Norma peut à peine marcher. « J’ai demandé une prise en charge à l’hôpital pour qu’on me transporte en Allemagne. Toutes mes demandes ont été refusées, c’est mon père qui m’a accompagnée, allongée dans la voiture ». Sur place, Norma et son père prennent une chambre d’hôtel durant trois semaines et embauchent une traductrice. « Là-bas j’ai enfin été écoutée. Ils m’ont expliqué que mon corps réagissait au traitement antibiotique : plus la bactérie meurt, plus on souffre ». Dans la clinique bavaroise, Norma rencontre de nombreux étrangers dont beaucoup de Français en errance médicale, « on a tous vécu la même chose : l’incompréhension face à une maladie que l’on découvre et le scandale de la non prise en charge en France ».
Si Norma est enfin soignée, écoutée et comprise, le traitement demeure lourd à supporter et la jeune femme doit désormais se déplacer avec des béquilles.
« Je me sentais mourir »
Afin de renforcer son système immunitaire, la clinique lui conseille un traitement à base de plantes et de compléments alimentaires tout en mangeant bio et sans gluten, « il faut que je prenne aucun risque pour mon corps ». Sans antibiotique, le traitement est certes plus léger mais moins efficace et très long. Après une nouvelle hospitalisation durant laquelle la jeune femme se sent « mourir », elle arrive à combiner les antibiotiques quelques jours par semaine et son traitement à base de plantes.
De retour en France, Norma trouve un médecin, dans l’Orne, pour être suivie.
« Que la maladie soit reconnue »
Aujourd’hui, son combat est loin d’être terminé. Affaiblie, Norma est aidée par sa famille. « Je ne sais pas si un jour je guérirai mais ce que je veux, c’est que cette maladie soit reconnue en France dans sa forme chronique ». Non reconnue, la maladie chronique n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale et entraîne un coût financier conséquent pour les malades : Norma a déboursé plus de 10 000 euros pour être soignée en Allemagne et chaque mois, ses compléments alimentaires lui coûtent 350 euros.
Sur Facebook, Norma est en contact avec de nombreux malades dont Matthias Lacoste (*) : « On s’encourage et nous voulons tous être pris au sérieux ». Pris au sérieux et informés quant à la transmission de la maladie : « Aujourd’hui je ne sais toujours pas si cette maladie est transmissible in utero, par rapports sexuels ou par transfusion. J’ai fait deux dons de sang, est-ce que les personnes receveuses peuvent être infectées ? », s’interroge Norma souhaitant plus d’études et de recherche sur cette pathologie.
Il est 11h30, Norma s’allonge sur son lit, il est l’heure de recevoir son traitement antibiotique par perfusion.
Appel aux élus de Vernon
Norma Benoit-Jeannin lance un appel à la mairie de Vernon « sans vouloir entrer dans la psychose » : elle souhaiterait que celle-ci installe des panneaux de prévention contre les tiques aux abords de la forêt de Bizy. « Il faut être au courant des risques. Avant de se promener en forêt, il faut se couvrir, porter des manches longues et des grandes chaussettes. En sortant, il faut s’inspecter, regarder si une tique n’est pas entrée sous la peau. Moins la tique reste, moins on a de chance d’être contaminé ».
Vers un scandale sanitaire ?
Alors que la maladie de Lyme est prise au sérieux aux Etats-Unis et au Canada (les premiers cas de malades sont apparus aux Etats-Unis en 1975), sa forme chronique n’est pas reconnue en France.
Les malades et les médecins qui se sont penchés sur cette maladie (à l’instar du professeur Luc Montagnier) ont alerté les pouvoirs publics en demandant que les tests soient améliorés. « En France, seul le test Elisa permet de diagnostiquer la maladie de Lyme. Or, ce test n’est pas fiable et révèle des faux négatifs. On assiste à un vrai scandale sanitaire alors que les Etats-Unis et le Canada parlent de pandémie », s’insurge Norma Benoit-Jeannin. Selon les études, seulement 27 000 malades de Lyme seraient diagnostiqués chaque année en France alors que l’Allemagne en compterait 1 million. Selon le professeur Luc Montagnier (co-découvreur du VIH), le test Elisa est seulement basé sur la détection d’anticorps alors que certains malades de Lyme n’en développerait pas. « On dit que la maladie est transmise par une piqûre de tique infectée, peut-être que les taons, les moustiques ou les araignées sont également porteurs de cette bactérie », s’interroge Norma.
L’avis du médecin
Pour Philippe Nguyen Thanh, médecin généraliste à Vernon, « le traitement antibiotique est prescrit durant la phase active de la maladie. Dans la plupart des cas, il suffit à enrayer la bactérie ». Cependant, il reconnaît que la maladie peut évoluer vers une forme chronique qui « produit des dégâts à différents niveaux notamment neurologiques, cardiaques et musculaires ». Dans ce cas, la médecine française traite la cause, la maladie de Lyme, par antibiotique et les autres pathologies (cardiaques, neurologiques…) sont soignées de manière indépendante. « On peut se demander pourquoi on ne prescrit pas un traitement antibiotique à chaque personne piquée par une tique. Cette solution a été étudiée mais elle est peu recommandée et entraînerait plus de dégâts que n’en cause la maladie de Lyme » conclut Philippe Nguyen Thanh.
Béatrice Cherry-Pellat
http://www.ledemocratevernonnais.fr/2016/07/04/norma-39-ans-sa-vie-avec-la-maladie-de-lyme/
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