Je suis tombée sur des clichés terribles de la ville d'Alep, où les rues étaient transformées en rivières de sang, avec des civils, femmes, enfants, recouvrant le sol, leurs corps baignant dans des taches rouges...
Photos que j'hésite à publier. J'hésite parce que c'est violent. Mais j'hésite à ne pas les publier, car c'est la réalité, celle qui n'est pas vue, pas regardée, lorsque bien au chaud et emmitouflés dans la langue de bois de nos pays, nous en arrivons à ignorer ou ne plus être touchés par l'innommable, par la folie, l'impensable et la barbarie...
Par contre, lorsque un seul homme tombe sur nos terres, cela devient une affaire nationale, notre psyché peine à intégrer la mort, à faire le deuil, les réseaux sociaux s'emparent de l'événement, "je suis" unetelle, ou untel, allez, l'identification marche à fond les manettes, ça pleure dans les chaumières et pour une fois nous sommes uns, tous unis dans nos larmes.
Mais mince, c'est quoi la différence entre une mère française et une mère syrienne, un enfant français et un enfant de là-bas, ou de n'importe quel autre pays d'ailleurs, tous ces pays sacrifiés sur l'autel des intérêts financiers et politiques des puissants?
C'est trop loin? C'est la tenue vestimentaire qui pose problème? la couleur des yeux? La langue? La forme des maisons? Qu'est-ce qui, d'un coup, fait que "cet autre" nous le sortons du cercle de l'humanité et nous permettons, inconsciemment (voire consciemment pour certains), qu'il soit déshumanisé, détruit, massacré, anéanti, dans tout ce qu'il a construit, incarné, crée, sur cette terre, dans sa propre société, dans sa famille?
Un Européen égale combien "d'étrangers" pour faire basculer notre émotionnel ? Parce que à Alep, je ne sais pas si vous savez, mais ça fait déjà 220 000 (1) ou 321 000 (2) morts depuis le début de la guerre et en ce moment ce sont 300 000 personnes dont 90 000 enfants qui vivent dans la famine, touchées par les épidémies et sous les bombes nuit et jour... Ce ne sont pas 12 morts comme à Paris pour Charlie Hebdo, mais entre 200 et 300 000 ....
Jusqu'où cette folie doit elle aller pour que nous puissions revenir à la charité, à la paix, et arrêter de ravager ainsi la moitié de la planète?
Qu'avons-nous fait? Pouvons-nous oser voir le "avant-après" de nos actions, la ville d'Alep étant un dramatique exemple de cet anéantissement.
Nous Humains si orgueilleux de notre "évolution", sommes en quelques mois capables de détruire le fruit de civilisations entières, avec le même acharnement que nous mettons à détruire la planète et ses habitants du monde animal ou végétal...
Alors quoi?
Pouvons-nous commencer à chercher en nous-mêmes toutes les illusions que nous avons maintenues, tous les pouvoirs que nous avons donnés, toutes les abdications que vous avons perpétuées, toutes les hiérarchisations que nous avons autorisées, toutes les compétitions que vous avons entretenues, toutes les rancoeurs que nous n'avons pas digérées, toutes les prétentions que nous élevons au rang suprême, et qui, de fil en aiguille, permettent qu'un enfant, un frère ou une soeur de l'autre côté d'une frontière, soient considérés comme une sous-humanité dont on peut faire de la chair à canon?
Pouvons-nous nous approcher au plus près de ces atrocités, pour sentir, ressentir à nouveau dans nos coeurs engourdis, ce que cela fait de voir un tel spectacle.
Non pas pour se lamenter ou sombrer dans le désespoir, mais pour retrouver le sensible en nous, cette part qui sait, elle, que tout cela est intolérable et qui appelle au plus profond d'elle-même, le retour à la paix et la dignité.
Et je rends grâce aux habitants de cette ville, de ce pays, comme beaucoup d'autres, pour leur force d'âme à traverser de telles épreuves.
MT
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