Le feu de la colère - Louve-Sansmeute.over-blog.com
La colère, la vraie, profonde, bloquée depuis longtemps dans les entrailles, est l'ultime passage, l'ultime initiation. Celle qui fait craquer toutes les peaux collées les unes sur les autres au...
http://louve-sansmeute.over-blog.com/2017/12/le-feu-de-la-colere-louve-sans-meute.html
La colère, la vraie, profonde, bloquée depuis longtemps dans les entrailles, est l’ultime passage, l’ultime initiation. Celle qui fait craquer toutes les peaux collées les unes sur les autres autour de ma blessure, ces peaux anesthésiées qui me gardaient prisonnière dans les manteaux de la mémoire. Quand la colère montre son vrai visage, le mien fait peur aux autres contraints de se regarder sous la lumière crue d’un miroir. Ils fuient. Même si je suis silencieuse, même si tout est encore à l’intérieur, même si malgré ce qui gronde je cherche encore à les protéger, à les épargner, je leur fais peur.
Sache que je te montre l’espace que tu n’as pas encore traversé, que tu as éludé, que tu as sublimé à coup de concepts, de points de vue, à coup de cérébralité qui n’a pas rencontré la matière ou n’a fait que l’effleurer. Je te parle de la matière du corps, là où la mémoire fait rage, là où la vérité du vécu est inéluctable et te prend à la gorge comme une corde qui se resserre sans sommation.
L’abîme est redoutable. Elle te parle de toutes tes rages et de toutes les rages de l’humanité qui te traversent et se déposent en toi depuis des siècles et des vies, depuis milles histoires dont tu ne connais plus rien.
Et toi qui me regarde du haut de ton calme contrôlé, tu penses que tu es tellement plus propre, tellement plus acceptable, tellement plus aimable, tellement plus éveillé, tellement plus lumineux, tellement plus supérieur, quand tu n’as pas en toi cette coulée de lave qui brûle et pousse pour sortir. Alors plutôt que d’y plonger, tu restes au bord pour ne pas te salir, pour ne pas faillir, pour ne pas déchoir, pour te croire au-dessus de ce magma que tu crois impur. Et tu exulte de me voir, là, devant toi, traversée de cette colère qui vient du fond des âges, et tu fais des sermons avec tes regards ou tes mots qui te servent de remparts et te protègent de la menace de tomber à ton tour dans l’abîme.
Alors quand je te vois avec tes grands airs de tout savoir sur la colère, quand je t’entends dire que ma colère t’a rendu malade ou t’a dérangé, quand je te vois te détourner de moi comme si je venais de rater mon entrée dans le saint des saints, déchue, exclue, je sais juste que tu ignores la colère, que tu n’y es pas entré, que tu ne t’y es pas frotté, que tu n’as pas été initié à ce feu purificateur. Car si tu avais fait le passage, au lieu de te détourner tu ouvrirais tes bras et nous pourrions communier autour de cet espace sacré, ces braises traversées les pieds tremblant, entre vie et mort, la honte autour du cou d’être si vulnérable, si impuissant, si pitoyable en cet instant où l’on vomit ses ombres, cet instant juste avant de retrouver l’amour, dans cette nuit interminable avant l’aube improbable.
Mais ce feu de colère que tu redoutes et que tu voudrais m’épargner au nom d’un salut dont je ne veux pas, n’est que de la vie prisonnière depuis longtemps qui attend la fluidité de ma respiration, de ta respiration, de nos respirations, pour qu’ensemble nous puissions libérer nos vérités.
Peux-tu détourner le volcan et sa puissance ? Colère et rage, comme la lave du volcan, viennent du plus profond de ta terre, du plus profond de la Terre. Elles attendent au creux de ton ventre, dans le creuset alchimique de l’expérience, que tu veuilles bien les aimer et derrière elles, aimer toutes ces blessures englouties en silence.
Sous chaque caresse, elles deviennent de l’or. Millimètre par millimètre, tu dois les apprivoiser. Et sous tes doigts, il n’y aura plus une bête condamnée à être immonde, mais un oiseau léger débarrassé de son goudron, aux plumes luminescentes.
Tout n’est que de la lumière condensée qui attend sa délivrance.
Louve
commenter cet article …