Lorsque la faculté de résilience se transforme en soumission volontaire, par Stéphane Pêtre
La faculté de résilience (concept dont l'origine provient des théories de John Bowlby et sa figure d’attachement, puis au concept dans les années 50 d’ « ego-resiliency » de Jacob Block concernant les capacités de s’adapter positivement aux événements, puis introduit officiellement dans le langage en 1985 par Michael Rutter) permet somme toute à l'humain de réaliser les successions de deuils qui parsèment son existence.La faculté de deuil repose sur notre faculté à avoir réussi, dans notre prime enfance (et avec l'aide de nos parents), le premier des deuils, dit deuil des origines par Racamier : la perte de notre objet de possession absolue, notre mère.
Une fois ce deuil des origines intégré, il nous permettra de traverser notre existence en ayant des capacités à se réparer, de se désillusionner, d'avoir confiance en soi et en le monde avec discernement, à être capable de faire des deuils (petits et grands), de gérer les baisses de régimes, les attentes, d'être créatif et enfin d'accepter notre deuil majeur, notre mort. La similitude avec la faculté de résilience est grande, mais ne nous y trompons pas.
En effet, la résilience mobilisée par la psyché comme outil sporadique employé afin de puiser dans nos saines ressources narcissiques afin de traverser une expérience frappant nos besoins primaires (de sécurité, de reconnaissance, de connexion, de chaleur et d'attachement ) : OUI.
La résilience promut par la société comme valeur noble et communément utilisée pour tenir face à la violence de l'existence : NON.
Pourquoi ? Car d'un point de vue ontologique, l'existence est si pleine de sens que le concept de « violence » n'y est pas inscrit. La « violence » est le symptôme réactionnaire d'un archétype non ou mal intégré par un individu ou un collectif qui y résiste, notamment grâce à sa faculté maladive mais sincère, de résilience.
Nous voyons actuellement à l’œuvre sur le globe cette malédiction agir où des populations endurent par habitude et résignation, maintenant pour certains peuples depuis plusieurs générations, des conditions de vies inhumaines.
Pire encore, la malédiction de la résilience permet à une frange d'humains atteints de pathologies narcissiques destructrices – c'est à dire des humains n'ayant pas réussi à traverser leur deuil des origines – d'imposer à une masse crédules et sincères, sous couvert de solidarité collective, des contraintes portant atteinte à leurs principes fondamentaux de dignités et leur faisant progressivement accepter l'inacceptable.
Nous rappelons toujours qu'un humain adulte peine à prendre conscience de la situation inhumaine dans laquelle il peut survivre, uniquement à cause de la dissociation psycho-émotionnelle qu'il a dû mettre en place en lui durant son enfance afin de tenir bon.
« J'ai moi-même vécu tout cela et je m'étonne de la capacité de l'être humain à résister, de sa résilience... de son aptitude à absorber tout cela. Nous devrions exploser, nous devrions nous briser en mille morceaux face à tant de...souffrances. »
Sima Samar, médecin, militante droits de l'homme. Survivantes des 40 années de guerre continue en Afghanistan