Voici quelques extraits d'un interview donné par Ariane Bilheran à la revue Néosanté.
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Venons-en au fameux article publié sur votre site dont le décryptage et la portée ne cessent de prendre de l’ampleur au diapason de l’actualité... Quel est-il ce « moment paranoïaque », titre de votre article ? [1]
Comme je l’explique dans l’article, ce que j’appelle le « moment paranoïaque » est celui de la décompensation de la folie au sein du réel, ce à quoi nous sommes en train d’assister, avec une extension de la contagion délirante fonctionnant à l’illusion collective de masse. Les psychopathes et paranoïaques qui dirigent le monde (et ne sont pas nos gouvernants mais la petite poignée qui tire les ficelles chez ces milliardaires qui, avec leurs milliards, pourraient par exemple éradiquer la faim dans le monde et ne le font pas) nous persécutent depuis longtemps « pour notre bien », parce qu’ils nous vivent, nous les peuples, comme une menace pour eux. Ce phénomène n’est pas nouveau. Platon dans La République disait déjà de nous méfier de ceux qui briguent le pouvoir, en avertissant qu’il ne faudrait surtout pas le leur donner… mais le donner aux philosophes qui, du fait de leur sagesse, n’en voudraient d’ailleurs pas ! Or, nous sommes passés cette année à un autre stade, celui du harcèlement direct des peuples, qui prend différents visages caricaturaux sans nuances, que je détaille dans l’article.
Quel est votre décodage de cette maladie de civilisation, dont la pandémie représente la face émergée de l’iceberg ?
Ce sujet m’anime depuis longtemps. Chez Freud, je trouve que l’une de ses œuvres les plus intéressantes est Malaise dans la Civilisation. En philosophie, j’ai également étudié la maladie de civilisation selon Nietzsche : qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné, l’on devient une civilisation malade ? La psychopathologie m’a donné des clés supplémentaires au travers de la psychose paranoïaque et de sa contagion. Parce qu’encore une fois, un système est la somme de ses individus... plus quelque chose qui va en faire un « individu » à part entière, avec sa personnalité propre. Quand ça devient paranoïaque, comme c’est le cas aujourd’hui, ça tourne donc en psychose collective. Cela fait plusieurs années qu’on en voit les prémices...
Comment se manifeste ce processus de déliquescence ?
Quand une société devient malade ou décadente, elle commence à être perverse, puis cela termine en paranoïa. La paranoïa, c’est la folie du contrôle, de l’hyper-persécution, de l’intrusion permanente de l’intime, de l’incapacité à admettre une pluralité. C’est une réponse globalisante, totalisante, totalitaire même, en lieu et place du libre arbitre humain. On voit bien que ce n’est pas la première fois que l’on vit ça dans l’Histoire : tout va bien, puis à un moment donné ça commence à dégénérer, et lorsque ça dégénère, c’est sur un mode totalitaire. Il s’agit là de ce que Hegel appelait le « moment du négatif ». Il prend l’exemple de la Terreur après la Révolution française, où la vie humaine n’avait pas plus de valeur que « l’étêtage d’un chou », disait-il, en se référant aux noyades et décapitations. Dans ma conception, ces moments me paraissent inéluctables... Je crois qu’il y a une forte probabilité qu’une civilisation, après avoir atteint son apogée, s’effondre. Et, là, rien ne peut l’arrêter ! On peut certes tenter de soutenir les murs, mais des murs qui doivent s’effondrer finissent par tomber. Nous pouvons juste mettre à l’abri ce qu’il faut pendant que les murs s’effondrent...
C’est quand même d’un « très grand raffinement » ce qui se passe, pour reprendre vos mots. Avec cette crise sanitaire inédite, la situation est hallucinante et l’absurde poussé à son comble. Qu’en pensez-vous ?
C’est toujours pareil : pour créer du choc, il faut que ça soit énorme ! Avec un petit « truc », un micro-événement, le cerveau arrive quand même à penser et à remettre en question la situation. L’enjeu est de faire perdre tous ses repères à une population donnée. Ce que veulent ceux qui ont des privilèges, c’est manipuler la masse afin qu’elle soit contente d’être là où elle est (d’où une soumission librement consentie) et qu’elle ne se rende pas compte qu’elle est traitée comme du bétail. Pour se prémunir contre cette masse à même de se rebeller, vu son nombre, on utilise l’intimidation et la culpabilisation, afin de la réduire au silence et de maintenir chacun à sa place. En parallèle, on fera en sorte de créer des prisons dorées pour que les gens soient contents (le fameux « du pain et des jeux ») et qu’ils ne réfléchissent pas à ce qui se passe. Ce qui est nouveau, c’est le raffinement extrême dans les techniques de manipulation, en lien avec l’utilisation des nouvelles technologies et de l’image.
Quel est l’impact spécifique de l’image ?
L’image va directement au cerveau, lequel a du mal à décrypter l’information en première instance. C’est pourquoi les images sont plus traumatiques que des paroles. Or, nous sommes dans une civilisation de l’image qui effracte tout le temps le psychisme. Ces images sont associées avec des paroles, lesquelles ne sont pas nécessairement en accord avec les images qui, elles-mêmes, peuvent se révéler trafiquées. Pour couronner le tout, ces paroles peuvent être contradictoires et paradoxales. L’exemple le plus célèbre est le néologisme « complotiste » qui veut dire tout et son contraire, donc ça ne veut rien dire ! Selon Lacan, on reconnaît la folie aux néologismes ; le délire tient à l’utilisation de mots qui n’existaient pas avant. Là, nous nageons en plein délire ! Ce néologisme vide de sens, qui sous-tend une menace de bannissement, paralyse toute pensée qui oserait venir questionner le péril et les dérives totalitaires auxquels l’humanité fait face. Tout ce pourrissement du langage est emblématique.
Il y a aussi le matraquage d’informations anxiogènes, répétées en boucle...
Oui, on voit à l’œuvre des techniques de propagande et de lavage de cerveau qui sont fondées sur la répétition. Le fait que l’on répète tous les jours inlassablement les mêmes informations finit par nous « ronger ». Surtout, ça restreint l’espace de pensée. Les phénomènes totalitaires adorent ça ! Cette année, je pense que nous avons tous été focalisés sur « virus/pas virus », « masque/pas masque », donc une vision très restreinte, alors qu’il aurait justement fallu ouvrir notre champ de pensée. Nous sommes des êtres à multiples dimensions. Dans la situation actuelle, on limite l’accès à l’imaginaire, au symbolique - tout ce qui est art et culture, tout ce qui est socialisation, tout ce qui constitue notre humanité. Et ça au nom d’un premier principe qui est : « un virus extrêmement dangereux menacerait la survie de l’espèce humaine... » J’attire votre attention sur ce point, car c’est à partir du premier principe que découle tout ce qui vient après. Or, ce premier principe n’est jamais débattu ! En d’autres termes, est-ce que vraiment un virus extrêmement dangereux menace la survie de l’espèce humaine ? A-t-on le droit de débattre scientifiquement de ce premier principe ? Manifestement non ! Ce premier principe n’étant pas questionnable et comme la situation est jugée très grave, l’on va déployer des moyens très lourds, qui ne sont même pas des moyens à proprement parler puisqu’il s’agit plutôt de maltraitance généralisée. Cela démontre aussi que dans cette civilisation de l’immédiateté, l’on n’a pas le droit d’avoir des pensées plurielles, d’en débattre, ni même d’évoluer dans sa pensée au fil du temps. Cette rigidité, c’est aussi la folie !
Extraits de l’interview publiée dans la revue Néosanté n° 105 de novembre 2020, propos recueillis par Carine Anselme
[1] Article publié sur le site d'Ariane Bilheran :
Retrouvez l'interview en entier, dans le n° de novembre ici :
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