Au milieu de l'agitation du monde, la voix de Saint Exupéry résonne.
Lorsque le sens de l'existence paraît trouble, il est important de mettre nos sens en éveil et de remettre du lien. Vers les autres, mais surtout à l'intérieur de nous-mêmes.
Pour apprivoiser, pour s'apprivoiser, il faut du temps.
Il faut de l'espace.
Il faut aller à la rencontre d'une part sauvage -le renard- qui nous paraît imprenable, insaisissable, ardue, inconnue.
Cela nécessite d'arrêter de courir, de s'assoir, d'être dans la contemplation et de chercher à voir ce qui se cache derrière le visible, derrière l'évidence, derrière le commun des choses, tout ce qui est prisonnier des croyances, des certitudes, du déjà su, du déjà vu.
Tout est agité.
Il s'agit de prendre le temps.
De dissoudre les images du passé et du futur, pour n'être que dans la vibration de la présence, ici et maintenant.
Il s'agit de respirer avec.
Avec notre corps qui bat la mesure des poumons qui montent et descendent.
Avec le mouvement de la vie qui vient jusqu'à nous, par le ciel en constante métamorphose, par le chant des oiseaux, par l'odeur de la terre, par la nuit qui succède au jour qui succède à la nuit...
Il s'agit de respirer avec l'Autre dont le regard est juste de l'autre côté de notre regard, dont les mots sont juste l'envers d'un miroir à retourner.
Il s'agit de voir autrement.
Et d'ouvrir le coeur.
Et c'est le Renard qui, vivant dans un monde encore non perverti, à l'état sauvage, nous montre le chemin de ce temps retrouvé, de cet espace à l'échelle du coeur.
- Qu’est-ce que signifie "apprivoiser"?
- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens... »
- Créer des liens?
- Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde... (...)
Le renard se tût et regarda longtemps le petit prince :
- S'il te plaît... apprivoise-moi! dit-il.
- Je veux bien, répondit le petit Prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi!
(...)
Voici mon secret, dit le renard. Il est très simple :
On ne voit bien qu'avec le coeur.
L'essentiel est invisible pour les yeux.
A. de Saint-Exupéry, Le petit Prince
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