Voici un hommage à un homme en chemin trop tôt disparu.
Doha Khan animait des séminaires ; passionné d’alpinisme il avait participé à des expéditions en Inde, au Népal, en Équateur et au Pérou, et en avait prévu d’autres pour cette année afin d’accompagner des personnes au cœur du changement.
En 1985, il avait mené une étude en Himalaya sur les comportements humains en situations difficiles avant d’accompagner quelques années plus tard, toujours en Himalaya, deux voyages initiatiques au Garwhal sur le thème Des Sources du Gange aux ressources de l’humain. L’expérience en haute montagne est un miroir puissant et un accélérateur d’apprentissage exceptionnel. Elle offre l’opportunité de toucher ce qu’il y a de plus fort dans l’art d’être humain. (Source Himalayan Frontiers : http://www.himalayanfrontiers.fr/himalayan-frontiers-equipe.php)
Il est l’auteur de l’ouvrage « Danse avec l’ombre », récit initiatique paru aux éditions Marcel Broquet.
Quoi de plus approprié que ce texte écrit autour de « l’art de mourir », où Doha affirmait : « Il nous est demandé, à chacun, de mourir pour renaître, quel que soit la nature du chemin emprunté ».
Chaque disparition nous parle de l’unique qui s’est manifesté sur cette terre, du feu incarné par chacun et de façon unique et non reproductible. Notre spécificité, toute fragile et illusoire qu’elle soit, est l’expression d’un moment unique sur cette terre au cœur de l’humanité.
De quoi nous inviter à aimer tout ce que nous rencontrons, la force d’un regard, la beauté d’un geste, le chant des mots, la qualité de la présence, et à honorer la Vie dans toutes les extraordinaires manifestations qu’elle nous offre.
MT
L’art de mourir
Notre vie ne sera en fin de compte que la somme des choix que vous aurez faits. Car notre vie n’est qu’une longue suite de choix; nous passons notre temps à choisir, à décider de faire ou de ne pas faire, à hésiter, à reculer, à nous jeter à l’eau, à remettre à demain, à essayer d’oublier, à foncer dans le tas, à prendre sur nous, etc. Et au bout du compte, c’est bien la somme de ces choix, de ces directions que nous avons prises aux différents carrefours de notre vie qui font que nous aurons eu telle ou telle histoire.
Car nous sommes, et vous êtes, sans doute beaucoup plus libres que vous ne le croyez. Vous pensez peut-être qu’on ne choisit pas, que tout est écrit, que la société ou les événements choisissent pour vous. Sûrement pas. Un gardien de square, un président de la République, un clochard sous un pont, un PDG de multinationale, un bon vendeur, un mauvais vendeur, un journaliste, une mère de famille ont tous un point commun : depuis leur naissance, ils ont eu 24 heures dans chacune de leurs journées. Mais ils ne les ont sans doute pas utilisées de la même façon.
Nous sommes tous confrontés à de nombreux et successifs passages de la vie à la mort. Par contre, nous n’avons jamais appris à les vivre sereinement, jusqu’au jour où la vie nous lance le défi de regarder autrement ce qui nous arrive. Et là est tout le cadeau !
Qu’il s’agisse de la fin d’une relation, d’un projet, d’une occupation professionnelle, d’une position sociale, d’un lieu de vie, d’une passion, d’une maladie ou le départ d’un proche, la démarche est la même : détachement, présence et deuil.
Et si mourir ne consistait en rien d’autre que de mourir aux illusions, de mourir à nos illusions ! Nous ne sommes rien, juste des êtres humains, des hommes et des femmes, présents à d’autres, dans le nettoyage de nos blessures, trop souvent embarqués dans la toute puissance que nous concédons encore à l'ego.
Qu’on le veuille ou non, nous sommes tous embarqués, vous et moi, sur le chemin de l’évolution, sur le chemin de notre évolution. La naissance est le signe que le voyage est en route. Mais la naissance n’est pas un signe que nous sommes vivants.
Ce constat est le point de départ de tout chemin. Il nous est demandé, à chacun, de mourir pour renaître, quelque soit la nature du chemin emprunté.
Et tant que cette renaissance n’a pas eu lieu, nous appartenons à la famille des personnes qui se démènent, inconscientes, dans la jungle !
Sortir de ce rêve illusoire fait du même coup disparaître la mort. Et l’on sait que dans un parcours, rien ne compte hors de ce qui s’accomplit intérieurement !
Ce face à face avec notre propre mort nous détache du personnage qui a besoin d’être reconnu, admiré, apprécié. En d’autres termes la mort de l'ego.
Le sage sait que la mort lui enseigne qu’il est de passage dans la vie des autres. Apprenons à sentir pour faire face à notre propre départ qui viendra un jour !
Apprenons à mourir avant de mourir et découvrons l’importance de ce qui ne meurt jamais ! Apprenons à lâcher prise totalement, pour vivre dans le présent et renaître à chaque instant.
Pourquoi, alors, encore aller chercher des recettes à l'extérieur ? A force de vouloir briller au soleil dans ce que nous croyons être, nous contribuons à la superficialité et à la fermeture de ce qui est essentiel, notre coeur. La mort fait partie de la vie. Pourquoi, alors, séparer les deux ?
Nous ne faisons que passer ! Pourquoi ne pas décider, aujourd’hui, de redevenir libre pour le temps qu’il nous reste ?
Et si la mission principale de tout individu ne consistait en rien d’autre que de rencontrer ! Rencontrer l’autre, c’est accepter de se construire mais aussi accepter de construire l’autre !
Je me souviens avoir été sensible à un propos tenu par Albert Jacquard, lors d’une émission diffusée en 2005 à Radio Canada « Et si finalement, l’essentiel d’une vie ne consiste pas à raisonner en terme de temps de vie passé mais en nombre de rencontres successives … ».
Doha Khan
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