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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 20:31

ALLER AUX SOURCES DE LA SOUFFRANCE

 

Ce que nous avons de plus immatériel –pensées, sentiments, émotions-, se manifeste dans notre corps. L’inconscient est partout : dans nos rêves, nos lapsus, mais aussi nos organes, nos membres et notre peau. Le corps est l’endroit qui nous résume. Pour toucher notre être profond, il faut s’adresser à lui. C’est ce que proposent les techniques psycho-corporelles, qui ont pour ambition la libération des tensions et des émotions, permettant au corps de retrouver sa mémoire et son élan vital.

 

Tout événement déplaisant, réel ou fantasmé, induit une tension susceptible de s’enkyster et de créer des symptômes qui pourront surgir très longtemps après. C’est ainsi que d’anciennes blessures émotionnelles continuent à nous faire souffrir, alors que nous pensions les avoir enterrées au cimetière des éléphants. En psychothérapie, le corps a longtemps été marginalisé, déconsidéré et oublié. Honteux, impur, dérangeant –puisque c’est ici même que se trouve la source de toute histoire- il est temps de le réhabiliter et du même coup réunifier notre Etre.

 

Reconnecter la tête et le corps

L’importance des maladies psycho-somatiques est désormais acquise et par le monde médical et par le grand public. Il aura fallu attendre Freud, pour que les premiers éléments de psychosomatique voient le jour. Ses premières patientes souffrent toutes de maux étranges : paralysie, cécité, contractures, douleurs diffuses, sans cause organique décelable. Et lorsqu’il les invite à s’exprimer, à raconter leurs rêves, leur enfance, à libérer leurs émotions, ces symptômes disparaissent. C’est alors qu’on découvrit que les traumatismes du passé, ignorés de la conscience, pouvaient s’inscrire sur toute la surface corporelle.

Néanmoins, ce qui sous-tend ces maladies est rarement expliqué en profondeur et la plupart du temps, c’est encore en morcelant l’Etre humain que l’on choisit d’expliquer ses problèmes : c’est sa « tête » qui ne fonctionne pas bien. On oublie que la racine de toute chose prend sa source dans l’Etre tout entier, dans son histoire et que pour guérir, il faut retrouver cette histoire, retrouver son unité, ne plus séparer la tête et le corps.

 

Un symbolisme oublié

Pour comprendre les maladies psychosomatiques, il faut replacer l’Etre humain dans son contexte social et universel. Nous dépendons d’un système de pensées, nous sommes héritiers de toute une tradition, tant au niveau de la pensée, que des symboles, de la religion ou de la morale. Notre histoire s’inscrit à travers l’histoire de l’Humanité et nous en sommes, en quelque sorte, le réceptacle. Vouloir chercher une identification en dehors de cet héritage, c’est amputer l’Etre humain de sa valeur archétypale (voir encadré), c’est le couper du monde des symboles. Ces symboles, loin d’être un jeu intellectuel, sont chargés de sens, une signification éprouvée au fil des siècles, relatée depuis des milliers d’années dans les livres sacrés taoïstes, les Védas, la Bible, les Evangiles, le Coran… Tous les rites et les mythes de l’humanité rendent compte de cette vision symbolique. Seule la science moderne a imposé une rupture avec cette connaissance et du même coup, a accepté une normalisation du non-sens de la souffrance et de la maladie.

Aujourd’hui, des auteurs renouent avec cette tradition et offrent à travers des écrits de qualité la possibilité de se reconnecter au sens caché des choses. Annick de Souzenelle, dans « Le symbolisme du corps humain » et Michel Odoul, dans « Dis-moi où tu as mal, je te dirais pourquoi », rappellent tous deux que « les cris du corps sont les messages de l’âme ».

 

La maladie : un recentrage nécessaire

Comprendre les mécanismes psycho-énergétiques qui sous-tendent la maladie est le seul moyen de retrouver l’état de santé. Cela signifie accepter de ne plus voir la maladie comme le fruit du hasard ou de la fatalité, mais comme un message de notre conscience intérieure. Cette démarche a un coût, car souvent il nous en coûte de grandir et d’aller vers la liberté. Mais si l’on accepte notre responsabilité, nous pouvons alors découvrir derrière notre souffrance, notre maladie, une « énergie créatrice », dans le sens qu’elle est le moyen d’évoluer et de progresser dans notre vie. Encore faut-il pour cela renoncer à l’image toute puissante du médecin « sauveur-guérisseur », pour se redonner le juste pouvoir de sa propre guérison.

En recherche constante de maîtrise et de domination des événements, ce n’est que réduit à l’état d’impuissance ou partiellement atteint dans notre image toute puissante, que nous nous interrogeons. Que signifie ce corps qui fait mal ? Qui est donc celui ou celle qui souffre, là, méconnaissable ? Par la force des choses nous sommes ramenés à nous-mêmes, à un questionnement inévitable.

Ces maux sont autant de cris que notre corps nous envoie, des signaux d’alerte, les témoins de nos déséquilibres. Notre réalité profonde parle, et plus nous serons sourds à ses cris, plus les messages seront violents.

 

Le passager de la calèche

Pour s’en convaincre, reprenons l’image extrêmement parlante de Michel Odoul, empruntée à la tradition orientale. Nous avançons sur un chemin en utilisant un véhicule qui est notre corps physique et que nous pouvons comparer à une calèche. Cette calèche est tirée par deux chevaux, qui symbolisent nos émotions, un Noir (yin) et un Blanc (Yang) et dirigée par un cocher, qui représente notre mental. A l’intérieur de la calèche, il y a un passager que l’on ne voit pas, il s’agit du Guide intérieur. Si le cocher donne l’impression de diriger la calèche, seul le passager connaît la destination. Ainsi, de l’équilibre entre le cocher et les chevaux dépendra le confort du voyage. Si le cocher maltraite les chevaux (les émotions), ceux-ci risquent de s’emballer et de nous conduire à l’accident. Si le cocher n’est pas vigilant (mental pas assez en éveil), nous risquons de passer dans les ornières (reproductions des schémas parentaux par exemple) et d’aller dans le fossé. S’il ne tient plus du tout les rênes, ce sont alors les chevaux-émotions qui vont diriger la calèche. Si c’est le cheval noir qui domine, la calèche tirera à droite, guidée par les images émotives maternelles. Si c’est le cheval blanc qui domine, la calèche va tirer à gauche, vers les représentations émotives paternelles. Tout ce qui représente les aléas d’un voyage peut être comparé aux incidents que nous rencontrons sur notre route terrestre… Brouillard, virages, bosses, fossés, roue qui lâche, panne… Je vous laisse le soin de comparer avec les événements de votre vie, exercice d’une facilité enfantine !

 

Maîtriser ou dialoguer ?

La comparaison devient encore plus intéressante, si l’on imagine un cocher très sûr de lui, persuadé de tout connaître et de tout maîtriser. Il prendra alors une direction, persuadé d’avoir choisi le bon chemin, à l’image de la société rationnelle, persuadée que la raison et l’intellect peuvent tout résoudre. Alors qu’il suffirait que le cocher demande au passager le chemin à suivre, pour se rapprocher le plus possible de la bonne route à suivre.

Pour cela, encore faut-il pouvoir entendre le passager, car le voyage est parfois fort bruyant, tant par le bruit des roues sur les cailloux ou dans les trous, que par les cris du cocher qui essaie tant bien que mal de maîtriser ses chevaux ! C’est alors qu’il devient indispensable de s’arrêter, faire une pause, et d’être enfin à l’écoute de son Maître intérieur. Si le voyage a été très mouvementé, le passager est peut-être un peu K.O. et le cocher est quant à lui sûrement sonné, voire un peu sourd par tant de vacarme. Il faudra alors un peu de temps avant qu’un dialogue bénéfique puisse s’engager entre le cocher et le passager, et que la calèche reparte plus tranquillement !

 

Une mémoire enfouie par le système nerveux

Ce « Maître intérieur », censé nous guider, nous pourrions aussi le comparer à notre mémoire corporelle. En effet, toute notre histoire, toutes nos émotions sont stockées dans notre corps, sorte de « boîte noire » où rien ne se perd. Car pour comprendre à quel point nos émotions vont agir sur notre corps, occasionnant somatisations, souffrance, maladies, il faut savoir comment ce phénomène se met en place.

Nul besoin d’un mental performant, d’une conscience toute intellectuelle, pour stocker les émotions et les événements de la vie. L’individu est affecté par sa propre histoire, et celle-ci débute en fait dès les tous premiers mois de la vie intra-utérine, lorsque se constitue le système nerveux du fœtus qui perçoit la douleur sans pouvoir se défendre. La vie occasionne des traumatismes, mais la nature nous a donné des moyens, grâce aux sécrétions chimiques du cerveau de nous défendre et de stocker le souvenir afin de le traiter ultérieurement.

 

L’intelligence cellulaire

Pour comprendre ce phénomène simple, mais dont l’acceptation n’est pas encore partagée par tous, un organisme unicellulaire microscopique, l’amibe, nous apporte une réponse à travers l’expérimentation scientifique. Dans un laboratoire de biologie, un chercheur ajoute quelques gouttes d’encre de Chine dans un récipient où se trouve une amibe. Face à ce « poison », l’amibe absorbe le pigment et le conserve dans une vacuole. Lorsque l’eau polluée est remplacée par de l’eau fraîche, l’amibe évacue alors l’encre et retrouve ainsi son état normal. Comme l’amibe, nous avons un système qui nous permet de stocker un « poison », un traumatisme, un événement ingérable, afin de nous préserver de ses effets pervers. Il suffira ensuite à notre organisme d’être en confiance, d’être « en eau claire », pour « relarguer » le traumatisme et s’en libérer.

 

Des connections intra-utérines

On dit souvent que le fœtus ne ressent rien ou qu’il ne peut garder la mémoire d’une période préverbale. Or, entre la septième et vingtième semaine de gestation, les voies nerveuses de la moelle épinière aux centres inférieurs du cerveau sont presque entièrement constituées. Il existe dès lors une forme rudimentaire de perception et d’enregistrement de la souffrance. Toute modification hormonale de la femme enceinte aura un effet sur le système nerveux de son enfant altérant éventuellement les circuits cérébraux ou créant des « câblages » définitifs qui laisseront leur empreinte précoce, entraînant pour plus tard des dérèglements et des symptômes inexpliqués.

Des chercheurs ont mesuré les changements physiologiques de fœtus lors de prélèvements effectués dans leur abdomen. Outre une grande agitation, ils ont pu constater une hausse de 590% du taux de cortisol, l’hormone du stress, et une hausse de 183% des endorphines qui atténuent la perception de la douleur. Si ce genre d’expérience amène le fœtus à se débattre et modifie ainsi sa physiologie, il est clair qu’il peut éprouver des sensations douloureuses et qu’il est capable de refoulement. En fait, les bébés sont comme une fenêtre sensorielle grande ouverte et rien ne filtre ni n’atténue la force du traumatisme.

 

Le refoulement, fondement de la névrose

Quand la charge émotionnelle impliquée dans le traumatisme dépasse ses possibilités d’intégration, l’Etre humain met en place un système de refoulement pour protéger la conscience. Ce système a pour objectif de fermer les portes afin que la souffrance ne remonte pas à la conscience. Il est aidé en cela par des agents chimiques qui nous rendent inconscients : les neurotransmetteurs de l’inhibition, des opiacés que fabrique notre organisme. Plus la souffrance est forte, plus les substances déclenchant la fermeture des portes sont abondantes. Ainsi la sensibilité exacerbée de l’individu se trouve convertie en son contraire : l’insensibilité. Par contre, ces informations qui n’ont pu atteindre notre conscience sont souvent déviées vers notre corps où elles éveillent de fortes réactions viscérales. C’est ainsi que la somatisation prend sa source et que s’installe la névrose, adaptation mentale et comportementale face au traumatisme originel.

 

Cicatriser les blessures de l’âme

On comprend donc comme une évidence, que l’élaboration purement verbale d’une thérapie ne pourra pas libérer un patient de ses troubles. Les émotions éprouvées autrefois se sont inscrites dans les tissus et les muscles entraînant des tensions qui constituent une véritable carapace, une cuirasse qui bloque la libre circulation de l’énergie vitale. Notre système de défense a pour but de nier notre souffrance, de mettre en place un système mental très puissant qui garde le pouvoir sur tout et la conséquence est que nous en sommes aliénés. Le but de la thérapie est donc d’assouplir cette cuirasse, d’assouplir nos défenses et d’accéder à un éventail de réactions parmi lesquelles nous pourrons choisir la plus adaptée.

Si cette thérapie choisit comme porte d’entrée le corps, le mental perd sa primauté, son pouvoir et son contrôle sur les émotions. Notre personnage peut enfin être démasqué, car si la parole permet toujours un échappatoire, le corps ne le permet pas et nous place définitivement face à nous-même. Cette situation est douloureuse car notre corps a mis en place une équation : souffrir = mourir. Se rapprocher de ses émotions, est donc parfois d’une intensité aussi forte que la peur de mourir. Mais en prenant conscience que ce vécu appartient au passé, on réalise que l’on peut baisser sa garde et aller revivre ces émotions refoulées.

 

La devise « connais-toi toi-même » est une priorité si l’on veut faire un travail en profondeur, opérer un véritable déconditionnement à la douleur, au conflit et permettre un reconditionnement vers une acceptation de sa vie.

La psychologie est un outil de transformation puissant, qui, s’il est bien utilisé, doit permettre de reconnecter la tête et le corps, cette dualité qui est la source de tensions, somatisations et maladies en tous genres.

Ce travail est un travail de confiance, de patience, et la clé de voûte de sa réussite est dans la qualité de la relation d’aide qui lie le thérapeute et le patient. Ecoute, accueil, accompagnement permettent de créer ce climat de confiance sans lequel aucune libération n’est possible. Pour que le corps ose enfin, il faut ces ingrédients indispensables qui ont pu faire défaut par le passé : la présence et l’amour.

 

 MT

Article paru dans "Obectif Notre Santé" et "Recto-Verseau" n° 166

 

Bibliographie :

« Dis-moi où tu as mal », Michel Odoul, Editions Dervy

« Le symbolisme du corps humain », Annick de Souzenelle, Editions Albin Michel

« Le corps se souvient » Arthur Janov, Editions du Rocher

 

 

Archétypes : les valeurs fondatrices

L’archétype est, pour Platon, le modèle éternel de toute chose sensible, laquelle n’en est que le reflet. Pour Jung, l’archétype correspond à chacun des grands thèmes de l’inconscient collectif . Les grands principes qui régissent la vie (peurs, doutes, joies, espoirs,…) se trouvent le plus souvent symbolisés au travers de phénomènes physiques auxquels vont s’attacher des émotions et des valeurs. Par exemple, lorsque le soleil s’élève, la peur disparaît, la joie vient ; lorsque la nuit vient, la peur apparaît. C’est donc l’émotion qui s’attache à un phénomène qui va le caractériser et cette émotion est universelle. L’archétype est donc un facteur dynamisant qui relie le monde intérieur d’un individu au monde extérieur. C’est aussi un inconscient supérieur qui met l’Homme en communication avec un univers spirituel et avec les souvenirs émotifs de nos ancêtres les plus lointains.

 

 

 

 

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Auteur - Photographe

Michèle Théron, praticienne de santé naturopathe, femme en chemin, je vous partage sur ce blog des articles, de la poésie, des photos créés par moi, et les citations, articles, vidéos qui nourrissent mon chemin et m'inspirent.

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