je regarde le monde barbare et sauvage,
j'écoute les lois, les paroles et les mensonges assassins
je laisse mes yeux filer sur l'asphalte gris des villes
cette suie charbonneuse qui aspire le pas des passants oublieux
transformés en ombres mouvantes réduites au silence
je regarde ce monde noir et défait
cet amalgame de plombs et de métaux vils
où les bourreaux parlent haut
où l'indécence est de mise
portée comme un fourreau de paillettes
qui éclabousse obstinément les regards éventrés par la peur
j'écoute les plaintes animales des hommes
couchés à terre par la violence et la haine
j'écoute les cris laissés dans l'air
comme des cerfs-volants déchirés par le vent
j'entends un brouhaha confus et strident
qui résonne à fendre le coeur
mais dans cette nuit réelle et illusoire
au milieu de la foule, j'ai tourné la tête doucement
attirée comme le papillon vers la lumière
par le regard noir et brillant d'un enfant
sa peau est dorée comme les caramels sucrés
sa chair est souple comme la bonté des matins
ses cheveux bleus de jais ressemblent
aux ailes fines des corneilles ambassadrices
et ses yeux parlent comme la terre parle
d'amour et de confiance
de joie et de vie
d'espérance et d'aubes éclatantes
d'or pur qui pétille
comme ses rires dont il éclabousse la nuit
et comme ses pleurs dont chaque goutte
implore d'ouvrir nos coeurs emmurés
dans l'éclat de ses yeux il y a des pépites d'eau
venues du fond des océans et des secrets du ciel
et cette phosphorescence éclaire le monde barbare et sauvage
accuse de sa lumière implacable les bourreaux
qui guillotinent la vie à coups de magie mensongère.
je regardais le monde, barbare et sauvage,
et dans la nuit noire et défaite
je me suis mise à désirer sans retenue
comme une faim de caramels
cette innocence enfantine et vulnérable
pareille à une lanterne tremblante
pouvant ensemencer d'amour le monde
avec la douceur d'un encensoir
diffusant ses effluves. ©
MT