Tu t’es assis devant moi,
Calmement
Tu as posé les mains sur tes genoux,
Silencieux,
Et tu m’as regardée.
Ton regard était lourd et perçant
Ton menton fier
Ton corps d’une présence implacable
Ton nom d’âme flottait tel un étendard
Et tes yeux regardaient si loin
Loin en moi et loin au-delà de moi…
Tu me regardais
De ces yeux habités d’espaces oubliés
De ces yeux voyageurs d’autres mondes
De ses yeux emplis de souvenirs vastes et profus,
Et je t’ai regardé.
Dans tes yeux
J’ai vu notre Mère assassinée
Dévorée par des chacals affamés
Dont je me suis faite complice
J’ai vu les loups hurlant la mort
Sous une lune blême
J’ai vu les arbres de tes plaines anciennes
Penchés lourdement sur des asphaltes charbonneux
Pleurant leurs larmes de chlorophylle.
Dans tes yeux,
J’ai vu ta liberté et tes horizons
Saccagés par mon pouvoir et mes prétentions
J’ai vu tes rêves bleus et hauts
Jamais invités dans les miens
J’ai vu tes feux sacrés
Transformés en brasiers assassins et mordants
J’ai vu tes rivières claires
Chargées et épuisées de courir
Dans les veines de la terre,
J’ai vu tes loups aux yeux dorés
Tirés comme des lapins par mes fusils,
J’ai même entendu leurs râles
Déchirant mon sommeil.
Dans tes yeux,
J’ai vu toutes mes folies,
J’ai vu comment un seul atome
Pouvait épouser Thanatos
Et en une heure seulement
Faire de toi et de moi
Des fantômes impuissants
Prêts à se désagréger jusqu’à l’oubli
Sous les rais invisibles et mortels
D’une lumière froide.
Dans tes yeux
J’ai vu toutes mes lâchetés,
Toutes mes bassesses,
Tous mes aveuglements,
Toutes mes mutineries
Contre la seule et éternelle loi
Celle de l’amour.
Dans tes yeux,
J’ai vu ma défaite humiliante…
Et toi tu me regardes
Impassible, sauvage et libre
De ce regard terrible qui ne dit rien
Mais m’oblige à tout voir.
MT 28.3.11 ©
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