Après ce portrait de femme,Thérèse Clerc, (http://lejour-et-lanuit.over-blog.com/article-insoumise-a-nu-therese-clerc-122800913.html) comment ne pas avoir envie de réfléchir à ce projet des Babayagas, ces maisons de retraites conçues pour accueillir et accompagner la vieillesse de façon radicale ?
Il y a depuis longtemps suffisamment de problèmes avérés quant aux maisons de retraite (« mouroirs », voire lieux de maltraitance, avec perte d’autonomie, perte de sens et d’humanité), pour ne pas s’interroger sur « comment mourir » aujourd’hui.
La société n’étant pas vraiment impliquée dans ce genre de réflexion, il apparait, comme pour beaucoup de problèmes de société, que les citoyens seront les mieux placés pour créer, organiser les projets qui les concernent.
Le projet a bien failli ne pas voir le jour, le Conseil Général de Seine St Denis ayant tout d’abord considéré qu’il était « discriminant » car constitué que de femmes…
Lorsque l’on sait que les femmes restent une population fréquemment victime de discrimination et à grande vulnérabilité, cela ne manque pas « d’humour » !
Par ailleurs cela ne tient pas compte du fait que parmi les 17 millions de vieillards attendus dans le futur, les femmes restent plus nombreuses au vu d’une espérance de vie plus longue (même si cette espérance a tendance à diminuer pour s’aligner sur celle des hommes).
La maison des Babayagas est un projet innovant qui oblige à réfléchir et à changer les mentalités. Les adhérentes, les pouvoirs publics, l’administration, et chacun d’entre nous, sommes invités à s’interroger sur la vieillesse, si mal représentée aujourd’hui et si lourde à porter souvent pour les familles ou les individus isolés.
Dans cette nouvelle société, ce nouveau monde dont beaucoup d’entre nous rêvent, et dont certains portent le rêve jusqu’à l’action, l’entraide sera une composante déterminante. Comment ne pas être touché par la vocation des Babayagas dont l’engagement est de veiller les unes sur les autres ? Peut-être n’est-ce pas un hasard que cela soit né au cœur des femmes, elles qui, par leur féminin, ont la capacité à prendre soin. Il reste à espérer que cela ouvre une voie pour inspirer des hommes qui auront aussi à cœur de s’entraider dans la vieillesse.
Tous ceux qui ont approché la vieillesse, de leurs parents, de proches, et particulièrement au sein d’institutions comme les hôpitaux ou les maisons de retraite savent combien l’humanité est mise à rude épreuve, comment le décalage entre le faire et l’être est parfois violent, et comment les limites d’un système peuvent frôler l’incompétence source de maltraitance et d’incompréhension.
Difficile de garder en mémoire les images de certains reportages montrant « des vieux » au regard vide, mis hors circuit et infantilisés par un environnement et des savoir-faire inadaptés.
En imaginant des maisons autogérées n’est-ce pas déjà se donner l’espoir de continuer à prendre sa vie en main, de rester debout et conscient face à la mort inéluctable, de s’autoriser à être accompagné avec respect et entouré avec douceur ?
La vieillesse et la mort sont des étapes intenses dans le chemin des êtres humains, mais leur accompagnement est rarement à la hauteur des besoins et de la dignité des personnes qui les traversent.
Si parler d’amour pour accueillir un enfant au monde est devenu habituel, parler d’amour pour accueillir les êtres quittant leur vie reste rare.
Pourtant pour vieillir sainement, il ne suffit pas de mettre à disposition des murs, des réfectoires, des médicaments, et quelques activités passe-temps.
La dignité est étroitement liée à la connaissance des enjeux humains et spirituels dans ce dernier passage et à la qualité du regard porté, à partir d’un endroit en soi qui n’est rien d’autre que le cœur.
Regarder au cœur de l’être, en enveloppant d’un même mouvement l’histoire de la personne de l’enfant à l’adulte, sans jamais le réduire au vieillard, est le garant de son intégrité.
Qui suis-je dans cette dernière étape du chemin ? Comment est mon propre regard sur la vie que j’ai menée et les années, les mois, les jours qui restent ?
Qui es-tu, toi qui vieillis et t’en vas vers la mort, barque lourde chargée d’une histoire longue et riche, et barque si légère et si frêle, déjà dépouillée de ses fardeaux par le temps qui galope vers toi ?
MT
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