La mort est une étrange messagère.
Elle vient nous retirer physiquement les âmes que nous aimons, et en même temps leur donne une présence inouïe, une consistance dense, tangible, qui s’impose à nous de façon percutante et pilonne les pensées.
Quelque chose est arraché et, au même instant, quelque chose est ramené, là, dans le présent, qui se tient à côté de nous et veille.
Le temps et les distances sont abolis. Tout se condense dans l’espace qui nous entoure, et un flux incessant court, comme un torrent en cru, d’esprit à esprit.
Un dialogue se met en place. Tenace.
Revient à la mémoire ce qui s’est dit, ce qui s’est échangé. Des mots. Des phrases. Des sourires. Des instants. Des petits riens qui parlent pourtant de tout.
Le présent se trouve rempli du passé définitivement propulsé hors du temps.
S’impose ce que nous n’avons pas dit et que nous aimerions tant dire encore. Offrir une confirmation, une reconnaissance jamais formulées.
Paroles vaines comme un dernier adieu, comme un monologue qui attend une réponse, une étreinte, qui ne viendront jamais.
Une énergie est là, fulgurante, qui matérialise un temps encore tout ce que l’autre fut. Comme un papier photo se révélant dans un bain chimique, la dissolution du corps révèle l’essence de ce qui fut, au-delà de toutes apparences.
L’âme apparaît, débarrassée du superflu, dans toute sa puissance, dans tout son potentiel de création, dans toute la force qu’elle a incarné dans la matière.
Matière si âpre, si lourde à mettre en mouvement, si lente à laisser passer la lumière, si compliquée à aimer et à guérir.
Reviennent des images de ce que nous avons cru voir, de ce que nous avons vu, de tout ce que nous n’avons pas vu, absorbés par nos occupations illusoires et nos aveuglements. Facettes en clair-obscur qui s’éclairent sous les rayons rythmés d’un phare qui pénètre notre conscience.
Des voiles se soulèvent, certains avec douceur, d’autres avec une clarté mordante.
Miroir de lumière et d’ombres qui dessine un nouveau portrait et fait de nous les dépositaires d’une vie disparue.
Cette vie s’en va comme une étoile dans le noir, elle brille dans le souvenir, envoie sa lumière en questionnant la nôtre.
Ta lumière disparue me demande ce que j’ai fait de la mienne.
Tes talents me demandent ce que j’ai fait des miens.
Ton pouvoir d’incarnation me demande ce que j’ai fait du mien.
Ton amour de la musique m’invite à la remettre au cœur de mes sensations.
Ta simplicité me parle de ta grandeur.
Tes blessures me parlent des miennes.
Ton départ me parle de tous les départs.
Et ta mort me parle de la Vie.
MT ©