En 2020, je suis intervenue trois fois pour alerter sur l’émergence du totalitarisme actuel, au prétexte sanitaire : le 13 mai, avec « Totalitarisme sanitaire : « C’est pour ton bien… Le mal radical »[1], le 30 août, avec « Le moment paranoïaque (le déferlement totalitaire) face à la dialectique du maître et de l’esclave »[2], et le 30 décembre, à Radio Canada[3], entrevue au cours de laquelle j’ai affirmé que ce que nous vivions n’était pas autoritaire, mais totalitaire, en examinant la certitude délirante de la psychose paranoïaque. Ces interventions m’ont valu railleries, quolibets et insultes en tout genre, de la part de ceux qui ne peuvent pas entendre ce qui se passe (ou n’y ont pas intérêt), prétendant que j’exagère ou que je souffrirais moi-même de paranoïa.
Pourtant, en un an, nos libertés, conquises de haute lutte durant des siècles, au prix du sang de nos ancêtres, se sont évaporées en fumée, jusqu’à la survenue de ce « passeport sanitaire », jugé impensable par la majorité des gens il y a quelques mois encore. Afin d’élaborer un tel diagnostic précoce de délire collectif, je me suis appuyée sur ma longue expérience professionnelle d’observations des groupes, des institutions et des entreprises, lorsqu’ils se transforment en îlots totalitaires. En avril 2020, bien que certains signes eussent pu paraître insignifiants aux yeux du plus grand nombre, ils étaient suffisants pour caractériser l’entrée dans une psychose paranoïaque collective, en particulier le déni de réalité, le mensonge, le clivage, la projection[4], l’interprétation, la persécution (ici, d’un virus, ennemi invisible, qui autorise la persécution des individus en tant qu’organismes porteurs d’une multiplicité de virus), la manipulation des masses (terreur, culpabilité et chantage), l’idéologie sanitaire (et la propagande qui la soutient), mais aussi la survenue d’une nouvelle langue pour décrire une « nouvelle normalité » ou une « nouvelle réalité » faisant table rase de l’ancien. Rappelons les critères politiques du totalitarisme, qui ne saurait se réduire à une dictature, un despotisme, ou encore, une tyrannie : monopole des médias de masse et du corps policier, direction centrale de l’économie, persécution des opposants et de toute critique, système de surveillance d’individus, encouragement aux délations, logique concentrationnaire orchestrée sur la terreur, politique de la table rase, idéologie mouvante construite sur le clivage entre bons citoyens et mauvais citoyens, sur l’ennemi (visible ou invisible) et la pureté.
Les individus s’organisent selon des structures psychiques (certains préfèreront le terme organisation, moins rigide), qui traduisent leur rapport à la réalité, à l’expérience, à l’autre, à la Loi, aux pulsions, à la rationalité. Ces structures sont évolutives à la faveur des événements, en particulier des charges traumatiques lourdes, et c’est ce qui explique qu’en temps « normal », des individus respectant des tabous moraux fondamentaux (notamment, ne pas transgresser ni tuer), se désinhibent en temps totalitaire (ou plutôt régressent psychiquement), l’idéologie de masse permettant de justifier la levée des interdits anthropologiques du meurtre et de l’inceste (et de leurs dérivés) qui fondent une civilisation. Ce que l’on sait moins, c’est que ces structures psychiques concernent aussi les collectifs. Il existe des personnalités psychiques au niveau des groupes, des institutions, des entreprises... J’ai longuement étudié la nature des groupes que j’ai appelés « régressés », lorsqu’ils basculent sur un mode pervers ou pire, paranoïaque. Les pathologies narcissiques graves ont en effet ce talent de créer une unité pathologique dans les groupes, avec des interactions inconscientes. C’est dire à quel point l’individu est pris dans un système, où le tout est d’une autre nature que la somme de ses parties. Ce système contraint le psychisme individuel, qui en retour nourrira le délire collectif. Voilà expliqué en peu de mots le phénomène sectaire et fanatique.
Le totalitarisme correspond à un délire psychotique, celui de la paranoïa. Il s’agit d’une psychose, qui s’articule sur le déni de réalité (la réalité et l’expérience n’existent pas, ne servent pas de boucles de rétroaction pour qualifier la pensée délirante dogmatique), un délire interprétatif (un ennemi extérieur ou intérieur, visible ou invisible, nous veut du mal) avec des idéologies dédiés (mégalomanie, pseudo-idéaux humanitaires, hypocondrie, persécution…), la projection, la méfiance, le clivage, l’hyper-contrôle. Cette folie présente l’apparence de la raison, du discours argumenté, tout en s’organisant sur un délire de persécution justifiant la persécution d’autrui. Elle ne nie pas la Loi, elle l’interprète à son avantage et, si elle en a le pouvoir, elle l’instrumentalise pour persécuter les individus, et non plus les protéger. « Para » (παρά), dans le grec ancien παράνοια, est un préfixe qui signifie tout à la fois « à côté », « en parallèle », comme dans « parapharmacie », ou « contre », comme dans « parapluie ». De même que le parapluie agit contre la pluie, le paranoïaque agit contre l’esprit (νοῦς), contre l’intelligence, contre la logique. Et, pour ce faire, il subvertit l’esprit, l’intelligence, la logique, et leur fait la guerre.
Peu importe le contenu du délire, à savoir son décor théâtralisé, car la paranoïa, « folie raisonnante » comme l’ont nommé les psychiatres Sérieux et Capgras, obéit toujours à une même structuration des processus psychiques. Nourrie par la haine et la manipulation érotisée des institutions, elle peut être dangereusement collective et psychiquement contagieuse, « pour notre bien ». Il convient d’accuser l’ennemi désigné comme persécuteur, et si possible, de le personnifier. Un virus « pris en tenailles » (cf. discours d’E. Macron du 31 mars 2021) est l’ennemi parfait, car il est invisible, en perpétuelle transformation (« variants »). L’interprétation (déduction à partir d’une opinion subjective) est au centre du dispositif : ce virus est si dangereux qu’il en va de la survie de l’espèce humaine (postulat implicite, qui permet de justifier la destruction de l’économie, des libertés et du droit fondamental) ; l’interprétation est à la fois exogène (le virus tueur est à l’extérieur de nous) et endogène (à l’intérieur de nous).
Osons une question blasphématoire : un virus aurait-il l’intention de nous tuer ? Les virus sont inscrits dans notre ADN ; nous en touchons des centaines de millions chaque jour. Curtis Suttle, virologue à l’Université de la Colombie-Britannique au Canada, indique dans une étude de 2018, que plus de 800 millions de virus se déposent sur chaque mètre carré de terre chaque jour. Dans une cuillère à soupe d’eau de mer, il a plus de virus que d’habitants en Europe ! « Nous avalons plus d’un milliard de virus chaque fois que nous allons nager (…). Nous sommes inondés de virus. » Un article de 2011 publié dans Nature Microbiology estime qu’il y a plus d’un quintillion (1 suivi de 30 zéros) de virus sur terre !!! Environ 8% du génome humain est d’origine virale, et les virus ont été présents bien avant l’espèce humaine sur terre, ils ont contribué à donner naissance à la vie cellulaire[5]. Partir en guerre[6] contre un virus, est-on sérieux ? C’est pourtant ce que propose l’hypocondrie délirante de la paranoïa collective, dans laquelle le corps devient étranger à soi-même et persécuteur. Il faut donc persécuter le corps, dans un Syndrome de Münchhausen de masse, qui consiste à surmédicaliser de façon inadaptée (interdiction de remèdes, couplée à des vaccins expérimentaux, dont les études qui visent à prouver la qualité, la sécurité et l’efficacité ne sont pas achevées[7]) une maladie virale commune (qui mériterait des soins appropriés et précoces), et dont ceux qui en sont gravement atteints (entre autres, décideurs politiques, des lobbies et leurs relais médiatiques) dénient la tempérance et l’expérience des experts, et créent davantage de problèmes et de souffrances qu’ils n’en résolvent.
L’idéalisation est un mécanisme de défense très puissant, de l’ordre du fanatisme de l’idéal inatteignable. Cet idéal en soi devient persécuteur, car nul ne peut jamais être à la hauteur. La suggestion de l’idéal sanitaire tyrannique est forte depuis le départ : la santé est conçue comme absence de maladie potentielle (d’où la confusion entre les cas et les malades), et il faut éradiquer le virus. Avec ce chantage de fond : pas de retour aux temps anciens avant l’éradication du virus. La sophistique change selon les circonstances. Car le « vaccin », présenté dès le départ comme objet fétiche et talisman magique contre le virus, semble ne pas fonctionner à la mesure des ambitions initiales, voire présenter de graves et sérieux problèmes. Insuffisant (il faudrait continuer les mesures sanitaires contraignantes[8]), insatisfaisant (il n’empêche pas les contaminations[9], et serait même à l’origine des variants[10]), éventuellement dangereux[11] (cf. des effets secondaires graves, que certaines compagnies d’assurance ne prendront pas en charge[12], et pour d’autres, il sera fort compliqué de démontrer le lien de cause à effet !).
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