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31 décembre 2015 4 31 /12 /décembre /2015 02:02

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La source sacrée primordiale - Les Esprits de la nature -

La source sacrée primordiale - Les Esprits de la nature -

Illustration "Les esprits de la Nature" :

https://www.flickr.com/photos/131214550@N04/albums

 

 

 

Entre hier et demain

Une simple brèche

Fine et mouvante

Comme un filet d’eau tiède

Qui emmènera ton regard

Sur le fil de la vie

 

Invitation fertile à dire oui

A l’absurde comme au sensé

Au prosaïque comme au sacré

Au passé comme à demain

A ce qui fut brisé comme à la joie

A l’Un comme au multiple

 

Sur la rive étroite

Où meurent les vagues profuses

Du large fleuve où tu voyages

Tu n’as que tes pieds pour sentir la terre

Ta bouche pour déposer ton souffle

Tes mains pour caresser les arbres

 

Et faisant lien, ton cœur

Horloge secrète qui résonne

A travers les mailles du temps

Et qui, dans une barque tremblante

Cherche le passage étroit

Vers les jours qui s’annoncent

 

C’est ici, au bout des chemins

Dans le présent renouvelé

Où, dénudé et à genoux,

Dans la mort silencieuse

Libératrice de toute chose

Tu pourras sentir la source sacrée

 

Alors, par la brèche fine

Mouvante comme un filet d’eau tiède

Tu te laisseras bénir

Et embrasser par la lumière.

 

MT ©

 

 

 

Vers 2016 - Entre hier et demain
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24 décembre 2015 4 24 /12 /décembre /2015 16:03
PHOTO MAGNIFIQUE Mais.... dont je ne connais pas le nom de l'auteur

PHOTO MAGNIFIQUE Mais.... dont je ne connais pas le nom de l'auteur

 

 

Réveillons la Lumière endormie au creux de nos pensées

Réveillons la chaleur qui mordille assidument notre cœur

Réveillons la douceur

Déposée comme un manteau sur nos épaules

Réveillons l’Amour qui attend palpitant dans nos mains

Réveillons la Joie tapie sous les sanglots d’hier

Réveillons nos pas pour cheminer moins aveugles

Réveillons nos sens à l’encens et la myrrhe

Réveillons notre regard à l’or de notre âme

R’ éveillons notre enfant divin porteur de toutes les grâces

Rêv’ eillons nos rêves les plus fous et les plus sensés

Réveillons-nous de la grande torpeur silencieuse

Qui mange la beauté de la Vie

Etouffe notre souffle précieux

Et engloutit les possibles

 

Réveillons le grand soleil

Celui des festins intérieurs

Celui de la présence éternelle

 

Réveillons,

Eveillons,

Rêvons !

 

Eveillés…

 

 

 

MT

 

 

 

 

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22 décembre 2015 2 22 /12 /décembre /2015 21:34
Cet amour là

 

 

Etre dans cet amour là,

C’était être dans les mains de Dieu.

 

MT ©

 

 

 

 

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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 18:52
Ames jumelles

 

Ames jumelles, séparées, l'une à l'autre perdues

Transitant sur Terre à la recherche d'un mystère

Courant sans répit pour réparer leur coeur austère

Elles trébuchent sur le chemin de la vie suspendue

Insatiables, appelées par l'inconnu invaincu.

 

Ames soeurs, demi-lunes et demi-soleils,

Tournant dans le tourbillon des jours et des nuits

Que doivent-elles racheter pour se retrouver à minuit

Sortir enfin des tombeaux où elles sommeillent

Légères comme des éphémères tirées par le soleil.

 

Coeur divisé, amputé de son ciel, coupé de sa terre,

Il chante comme il peut la chanson de l'amour

Il palpite et se brise en attendant le grand retour

Sans jamais savoir s'il court après une chimère

Et pleure d'être en terre étrangère.

 

Ames jumelles

Faites de la même lumière

S'emmêlent

Désirent la mer première

Pour danser ensemble la même prière.

 

MT©

 

 

 

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17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 23:36
Au dessus des tes ailes

 

 

 

Au-dessus de tes ailes

Abîmées par de trop longs voyages

Brûlées par de trop vives blessures

 

Par-dessus tes pensées

Emmêlées comme les fils de ta vie

Obscurcies par les luttes inutiles

 

Au-delà de ta vision

Arrêtée par des horizons trop courts

Voilée de fards illusoires

 

Je déploierais l’Esprit

Comme un long manteau d’amour

Enveloppant ta chair si fragile

Qui n’attend que la Lumière.

 

MT ©

 

 

 

 

 

 

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15 décembre 2015 2 15 /12 /décembre /2015 20:48
Rêve d'or

 

 

De la paume de mes mains

Posées sur mes paupières

Descendait la chaleur dans mes yeux

Comme de l’or fondu

Qui coule en abondance.

 

En un battement de cils,

Mon esprit s'est envolé

J’ai rêvé que c’était ton regard

Qui descendait jusqu’à mon coeur...

 

MT ©

 

 

 

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 21:37

 

 

Femme pure et verticale
Je te regarde danser avec la vie
Sur la pointe des pieds
Tu trembles de ta vulnérable détermination
Homme vibrant et chantant
Je t'écoute soutenir la création offerte à ton regard
La délicatesse gardée au creux de tes doigts
Je t'entends tisser les liens d'amour
Entre le mouvement et le sensible
De voix en voies
Me voici à genoux
Devant la beauté
Mes larmes coulent
Car tout est béni
Dans l'instant sacré
Des commencements

 


MT©

 

 

 

 

 

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 12:01
Est-ce que je peux

 

 

Est-ce que je peux m’échapper

Sortir de la toile

Tenir dans le vide

Ne plus être touchée

Par le vent qui frémit

La rosée qui s’attarde

La Terre qui se dresse

 

Est-ce que je peux m’échapper

De la lumière omniprésente

Qui me transperce

Eclaire mes ombres

A m’en brûler le cœur

Et fait de moi un papillon

Ligoté aux ailes consumées

 

Est-ce que je peux m’échapper

Du destin trop lourd

Quand les larmes tombent

Sur les fils brisés

D’une vie endormie ?

 

MT ©

 

 

 

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12 décembre 2015 6 12 /12 /décembre /2015 21:21
Ce que je n’ai pas dit - René Théron

 

 

Un soir que nous étions à regarder la mer

Admirant la beauté du vol savant des mouettes

Tendant leurs grandes ailes traversées de soleil,

Je dis à mon enfant tu verras

Le monde, c’est cette immensité offerte à tes désirs,

Ce foisonnement mystérieux de richesses.

 

Tu t’émerveilleras

Des myriades d’étoiles qui brillent dans le ciel,

Des premiers chants d’oiseaux à l’aurore naissante,

Des forêts qui frissonnent aux caprices du vent,

Des plaines qui ondoient de leurs moissons dorées…

 

Un soir que nous étions à regarder la mer

Je n’ai pas dit à mon enfant

Le monde, c’est aussi l’univers du malheur

Les terres sont fertiles du sang qu’elles on bu,

Des murs épais taisent les cris

De ceux que l’injustice opprime.

 

Je ne lui ai pas dit

Que des enfants mouraient, que le crime et la faim

Engendraient la vengeance et la haine,

Qu’il fallait un cœur dur et beaucoup de tendresse,

Que l’espérance était une foi bien fragile.

 

L’heure crépusculaire apportait sa douceur

Les vagues reflétaient les dernières clartés,

L’ombre allait lentement s’emparer de la terre.

 

Je me taisais, n’osant troubler cette quiétude,

Sachant qu’un temps viendrait où surgirait pour elle

L’inexorable déchirure.

 

René Théron ©

 

 

 

 

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 21:18
Le temps s'est ouvert

 

 

 

C’est l’été

Le temps,

Sillon creusé par la charrue du destin

Abîme fraîche et neuve

Où nous avons plongé avec délice,

S’est ouvert

 

Ouvert tel une brèche

Odorante comme les roses pâles du jardin

Ecloses sous la chaleur brûlante des après-midi

 

C’est un voyage aux portes de l’enfance

Dans l’innocence spectaculaire et mystérieuse

Des élans purs et sans tourments

 

Nos désirs se lèvent avec l’aube

Quand mes volets entrebâillés mettent fin à la nuit

Invitant ton corps à suivre la lumière qui entre

 

En secret, tu escalades la fenêtre de ma chambre

Tu te faufiles dans la tiédeur de mes draps

Là, dans la pénombre, mon corps décode le tien

 

Dans le silence entrecoupé du chuchotement des draps

Se dessine le lien invisible et organique à ta peau

Je reçois le message clair et indicible de qui tu es

Ta chair toute entière me parle de toi

Elle condense les espaces d’amour qui m’aimantent

Et ceux, jardins interdits et inaccessibles

Que tu ne me livreras jamais.

 

Je te regarde, avec des yeux gourmands et résignés

Je reste immobile, attentive et impuissante,

Devant ton corps qui s’absente de moi

Spectatrice fragile des abîmes infranchissables

Où mon cœur demeure longtemps encore

Après que tu ne sois déjà parti.

 

Et lorsque je veux chasser le chagrin

Je revois l’eau fraîche dont j’éclaboussais ton corps

Pour dissiper la chaleur trop lourde de l’été

J’entends nos rires d’enfants heureux

Dans l’instant fugace où s’invitait l’éternité

Je vois ton âme qui affleure et brille dans tes yeux

Et j’embrasse tes cils denses et collés

Où quelques gouttes étaient restées accrochées

Petites perles d’argent qui roulent

Et fondent doucement sur ma langue.

 

 

MT ©

 

 

 

 

 

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9 novembre 2015 1 09 /11 /novembre /2015 17:03
Dans tes chairs de femme

 

 

Dans tes chairs de femme

Tes lèvres s’entrouvrent

Ta peau se fait transparente

Le velours se mêle au sang

 

Le sang de tes veines

Le sang de tes larmes

Le sang de tes naissances

Multiples et infinies

 

Ce sang qui coule sans fin

Depuis la nuit des temps

Pour offrir la vie

 

Ton calice déborde

Il livre son nectar

A chaque souffle d’amour

 

Tes chairs sont le mystère

Ta peau est le secret

Où vibre le parfum du sacré.

 

 

MT©

 

 

 

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2 octobre 2015 5 02 /10 /octobre /2015 13:03
Victor Habchy Photography (at Burning Man)

Victor Habchy Photography (at Burning Man)

 

Cette nuit nous dormons au creux des vagues de sable, dans un désert qui abrite notre marche silencieuse. L’air est pur et léger, il passe parfois près de nous en enfilant le manteau du vent, chasse de ses larges manches nos pensées tourmentées et nettoie nos anciennes blessures. Les étoiles impriment dans le ciel indigo la carte de notre futur, où nos noms semblent enfin se mêler. Il suffit de lever les yeux et de se laisser porter par la lumière éclatante qui perce dans le noir. Chaque étoile porte un de nos pas, chaque constellation dessine nos heures futures pleines comme des soleils. Elles s’accrochent en ribambelle, nous prennent par la main et ouvre l’horizon vers un demain illimité.

 

Nos corps, collés dans un sommeil vertigineux, respirent d’un souffle apaisé. Pégase nous tient sur sa croupe, lançant sa foudre sur nos vies, éclairant notre route, guidant nos pas vers sa source. La nuit nous tient prisonniers, elle ligote nos cœurs qui ne cherchent aucune délivrance mais s’amarrent l’un à l’autre en laissant la nuit les engloutir. Dans ce sommeil ailé, le voyage est aisé, la nuit chevauche nos rêves qui galopent vers nos âmes impatientes. Elles brillent déjà de leurs retrouvailles éternelles.

 

Tout, dans cette nuit, semble calme et tranquille. Le désert souffle ses sortilèges sur nos rêves qui n’attendent plus que demain pour recevoir le jour. Mais demain se fait désirer, il retient son souffle, laisse nos corps encore endormis s’oublier dans les songes. Il se cache dans l’aube qui frémit, attend de sentir nos souffles chauds s’éveiller pour respirer à son tour. Et enfin, quand la nuit perd de son charme, quand elle ne peut plus lutter contre la lumière qui l’envahit et la dissout, demain se fait jour, accouche en soufflant ses possibles.

 

Au matin, sous un soleil encore voilé, nos corps tièdes et alanguis se lèvent en silence. Nos gestes sont lents et mesurés, nos yeux se croisent en brillant, puis, épaule contre épaule, sans hâte, nous reprenons notre marche silencieuse et lumineuse à travers le sable. Les ombres de nos corps s’étirent derrière nous en flaques brunes, elles tanguent, se frôlent et se tressent à chacun de nos pas. Nos pieds s’enfoncent en crissant dans les dunes, des grains dorés s’accrochent à nos chaussures, roulent sous nos semelles qui les écrasent. Le silence cimente notre imperceptible enlacement qui dilate nos corps, noyés dans la chaleur du jour. Chaque pas est un baiser donné au désert, chaque pas est une étreinte invisible et muette entre nous.

 

Dans mon rêve, cette nuit, nous dormions et marchions au creux des vagues sableuses, comme des marcheurs déposés sur un chemin éternel…

 

11.10.06

 

MT ©

 

 

 

 

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16 septembre 2015 3 16 /09 /septembre /2015 19:39
Parcours de guérison

 

 

Après six années de maladie et de souffrance, je me retrouve transformée, pratiquement du jour au lendemain. Ce qui pourrait apparaitre comme une grâce ou un miracle, est avant tout le fruit d’un long processus et la mise en action d’un choix radical mettant fin à une relation et une situation où subir des choses inacceptables me maintenait dans les mémoires toxiques de mon passé d’enfant.

 

La rapidité de ma guérison ne cesse de m’interroger et de m’amener à faire retour sur mon enfance, sur qui je suis vraiment et sur mon parcours de guérison qui a commencé bien avant la maladie.

 

Un mois avant cette étape de guérison, j’étais encore dans un état pitoyable, en fatigue chronique, essoufflée, pleine d’œdèmes, portant difficilement les vingt kilos que j’avais pris depuis la maladie, en tension physique et psychique, littéralement au bout de mes réserves. Ma vitalité continuait à diminuer, alors qu’elle était déjà bien entamée au bout de six ans où mon corps avait connu pratiquement l’impotence, les douleurs, les insomnies, les problèmes neurologiques, cardiaques, articulaires, digestifs, au point de me sentir comme une grand-mère, sachant que bien des grands-mères étaient en meilleure forme que moi et que j’en enviais plus d’une dans la rue !

 

 

Au cœur de l’impuissance

 

J’ai rencontré le désarroi, la honte, la solitude, l’impuissance, le désespoir, le sentiment de monstruosité et une quasi totale absence d’empathie, tant de mon entourage -rare- que de la part du corps médical. La souffrance et la maladie réveillent chez les autres des réflexes liés à leurs propres peurs, et ces peurs ont une stratégie assez simple : mettre tout cela à distance, pour ne pas imaginer que cela pourrait arriver à soi-même. Et comme peu d’entre nous ont été au cœur de leur souffrance originelle, il est alors difficile d’accueillir celle de quelqu’un d’autre, sous peine d’être en résonnance avec notre propre nœud de souffrance, gardé bien profondément dans une crypte inaccessible[1].

De plus, il faut bien l’avouer, nous sommes tous assez mal équipés pour l’empathie authentique [2], et lorsque nous avons quelques velléités à ce sujet, nos tentatives sont assez désastreuses, nous confondons empathie et prise de pouvoir.

Donc le meilleur moyen que trouve l’entourage d’une personne malade, est de lui donner l’injonction de redevenir « normale » le plus vite possible pour rétablir leur propre sécurité, et si vous n’obtempérez pas, vous êtes la preuve vivante d’un dysfonctionnement dont vous êtes seule responsable, pour plein de mauvaises raisons : vous ne voulez pas guérir, vous ne voulez pas sortir de l’enfermement de votre souffrance, vous ne bougez pas assez, vous avez des cuirasses qui empêchent toute relation, vous avez quelque chose à comprendre, vous vous écoutez trop, vous n’avez qu’à moins y penser et peut-être même penser un peu plus aux autres, bref, vous devriez être à un endroit ou à plein d’autres endroits sauf celui où vous êtes en réalité… Violence suprême !

 

J’ai aussi rencontré la mort, ou du moins cette sensation imminente qui fait entrer dans cet espace où l’on sait que tout peut basculer en quelque secondes, car le corps clignote de partout et envoie des messages qu’on ne peut décoder mais dont on sait mesurer l’urgence et l’intensité. Les nuits en bradycardie à huit de tension, où je sens le corps filer entre les mailles des minutes, ou à l’inverse, une nuit avec dix-huit de tension et cent quarante de pulsations cardiaques, le cerveau qui mouline dans le vide, en perdition en attendant S.O.S. Médecin qui met plus d’une heure à arriver... En six années, j’ai eu l’opportunité d’expérimenter divers états, difficilement partageables, et j’ai eu besoin de temps pour valider tous mes ressentis, tant ces messages du corps étaient parfois indéchiffrables, intenses, mais sans qu’il y ait un lien avec le mental ou une émotion pour parvenir à y mettre du sens ou y apporter une réponse adéquate. Par exemple, à plusieurs reprises, j’ai eu ce sentiment que j’étais en danger, que mon corps pouvait lâcher d’un instant à l’autre, et qu’il aurait fallu que je demande de l’aide ; quelque chose à l’intérieur me le disait, mais je ne pouvais rien valider réellement, je n’appelais pas le médecin et si j’en parlais à la personne la plus proche de moi, je n’avais pas du tout la sensation qu’elle mesurait ce que j’avais traversé et je n’étais jamais rejointe, comme si ce que je vivais était quelque chose d’anecdotique, un fait divers qui ne méritait même pas d'être accueilli par une parole compassitante, une main posée sur l'épaule ou d'être -situation la plus improbable qui soit- prise dans les bras. Dans les moment de douleurs extrêmes, alors que j'étais en sanglots débordée par cette souffrance, j'avais droit à un "tu n'as qu'à prendre du doliprane", et rien de mieux au niveau relationnel...

 

C’est dans ces moments-là que j’ai commencé à comprendre que dans mon enfance j’avais dû connaître ces états extrêmes, sans que personne ne s’en soucie, ou sans qu’un adulte, par sa propre inquiétude et par une action appropriée, donne une limite à la souffrance ou à l’angoisse de mort en les accueillant par sa présence.

Combien de nuits, chez ces nourrices, combien de nuits, dans cette pouponnière à Grenoble, où mon sort ne valait peut-être pas grand-chose, où probablement pleurer, hurler, souffrir, se laisser mourir, n’avait pas d’importance et laissait des adultes non concernés ou non réceptifs dans l’indifférence ?

 

René Spitz, psychanalyste des années 50, a très bien étudié la condition infantile et le syndrome d’hospitalisme chez les enfants séparés précocement de leur mère. Les enfants recevant des soins mais privés de lien affectif développent des troubles physiologiques et du comportement, allant jusqu’à une phase de retrait et du refus de contact.[3]

 

 

Soutenir mon corps

 

Heureusement mon parcours thérapeutique m’a fait rencontrer quelques personnes qui ont pu valider, par leur écoute, par leurs propres ressentis, et parfois les plus subtils, ce que je traversais réellement, et ainsi me permettre de valider mes perceptions. J’avais l’impression de mourir, d’être un sceau percé qui perdait toute sa substance et malgré mes descriptions, personne ne m’entendait ou ne me prenait au sérieux[4]. Dans les deux premières années, lors de soins énergétiques, je reçus deux informations qui se confirmaient mutuellement bien que venant de personnes différentes. « Si je continuais comme ça, je quittais mon corps ». Je me rappelle que loin de paniquer, cela avait aligné quelque chose en moi. Je pouvais enfin avoir une mesure, un étalonnage de ce que je ressentais. La confirmation et le réel sont assurément moins angoissants que la confusion.

Ensuite, une autre phrase, qui reprenait d’ailleurs exactement ce que je me disais intérieurement, à savoir que mon corps, énergétiquement « ressemblait à une femme de 90 ans » et qu’il vibrait « comme les personnes qui sont en fin de vie ».

 

A partir de ce moment, je n’ai bien sûr jamais abandonné l’idée de « comprendre », ou de « guérir », ou de trouver « le » remède qui m’améliorerait, mais, consciente que j’étais dans un processus dont j’ignorais l’ampleur et la durée, j’ai axé mes soins pour soutenir ce corps, rien que ce corps, afin que, en attendant la possible fin du tunnel, je puisse garder la tête hors de l’eau et ne pas sombrer. Shiatsu, drainage lymphatique, soins énergétiques étaient ma base, sans perdre mon parcours spirituel chamanique. Et entre ces deux pôles, matière – esprit, le quotidien, avec ses descentes aux enfers, l’épuisement, la perte totale de repères, l’absence de soutien, ce questionnement lancinant de « comment tenir », « comment s’en sortir », sans rien pouvoir extraire de la chape de plomb qui semblait moulée autour de moi.

 

 

L’expérience du doute

 

A quoi, à qui se raccrocher, je ne le savais pas. Je n’étais plus portée par rien, et en tous cas rien de ce qui avant me portait. Tout s'était effondré. J’aurais aimé pouvoir lire cette phrase dans ces moments là : « Tiens ton souffle en enfer et ne désespère pas ». [5]

Je ne savais plus rien faire avec mon corps, tout devenait difficile et je n’arrivais plus à tirer un seul bénéfice de mon parcours et de tout ce que j’avais appris. C’est comme si j’avais été dépossédée de toutes mes capacités. J’étais dans un autre espace-temps. Au point de douter de mon parcours et de me dire : « tout ça pour ça » !

Trente années de cheminement pour en arriver là… quel désastre… Le jugement qui m’assaillait était impitoyable. J’avais dû faire fausse route. Loupé quelque chose. La maladie devenait la preuve tangible de cette erreur d’aiguillage.

 

Mais si plutôt, au lieu d’être un échec, j’avais osé penser que cette maladie arrivait à point nommé, parce que j’avais suffisamment exploré mon histoire, suffisamment retrouvé le chemin des émotions, la connexion à moi-même et à mon âme, et que j’étais prête à aller encore plus loin, à aller vers plus de liberté et de conscience ? Je sortais d’une longue relation, prête à prendre mon envol. Et je me suis retrouvée clouée au sol, les ailes brisées.

Quelqu’un me dira : « on donne des leçons difficiles aux bons élèves ». Soit ! Cela redorait un peu mon ego bien mal en point, moi qui ne pouvais plus prétendre à grand-chose, et en même temps cela me confortait dans l’idée que j’étais sur ma voie, même si le chemin semblait brouillé et la destination inconnue.

 

Mais avant de pouvoir vraiment imaginer que cette expérience n’était pas un échec, il m’a fallu du temps et du cheminement supplémentaire. Car au plus vif de l’expérience, submergée par les symptômes et la souffrance, confrontée à ceux dont l’ego se déployait implacablement dans le « faire » et le « je sais », dont la toute-puissance n’avait pas encore été entamée et qui me renvoyaient que, eux, n’avaient pas chuté, je me sentais assez pitoyable. Je percevais à quel point être malade était perçu comme une infériorité qui confortait bien des personnes dans leur sentiment de supériorité ou dans leurs certitudes. Je n’avais plus de prise sur rien ni personne et il me restait peu de choses auxquelles me raccrocher.

 

 

Lent retour à soi

 

Il me restait néanmoins l’attention et la présence à moi-même, dans de rares moments mais de façon continue, car lorsque la souffrance était trop intense, je n’avais plus un millimètre de distance et je me retrouvais complètement identifiée à ce qui me traversait, pendant des heures ou des jours, jusqu’à ce que la souffrance s’amenuise et alors je pouvais repenser normalement, croire que quelque chose pouvait s’ouvrir à nouveau et que ma vie reprenait son cours « normal ». Plusieurs fois la confiance m’a lâchée et profondément j’ai voulu abandonner la lutte. Si chaque matin je me levais en réaffirmant mon désir de vivre, il m’est arrivé de demander à ce que cela finisse, que je sois « rappelée » dans le grand tout, débranchée définitivement. La vie n’avait plus aucun sens dans ces jours qui se ressemblaient tous et dans lesquels je ne faisais que survivre dans un épuisement indescriptible.

 

Pourtant, très profondément en moi, de façon très ténue, je sentais quelque chose, comme un sillon qui ne lâchait pas et savait où il allait. Une charrue invisible continuait à creuser ma terre. Moi j’étais perdue, détruite, terrassée, déconstruite, mais quelque chose m’informait que ce n’était pas une défaite, pas une fatalité, que c’était un processus et que probablement la Vie savait où elle allait. C’était à peine audible et cela ne ressemblait pas à de l’espoir, mais à une intelligence qui connaissait la direction et qui veillait à mes côtés.

 

Malgré cela, même si je comprenais que c’était un processus, je comprenais aussi que je pouvais en mourir sans avoir eu le temps de trouver la sortie ou la paix intérieure. Les nuits où j’ai cru que je pouvais partir, où je pensais désespérément que je n’avais pas eu le temps de m’accomplir, pas plus que je n’avais eu le temps de faire un testament (cela me paraissait tout à coup inconcevable de laisser ainsi tous mes objets, sans pouvoir les confier avec tendresse aux plus proches !), ce n’est pas la peur qui m’enlaçait, mais un sentiment d’urgence, d’inaccompli, cherchant à comprendre à quoi, à qui mes jours avaient servi jusqu’ici. Alors montait le constat effrayant que je n’étais pas « prête » à mourir. Pas prête dans le sens, « pas d’accord », mais en plus et surtout, pas « préparée » à lâcher et à être en paix avec le chemin qui aurait pu être le mien jusqu’à cette dernière heure. Et en même temps, j’avais le sentiment que je n’arrêtais pas de mourir depuis six ans, que des pans entiers de mon édifice sombraient, que j’étais rabotée de partout dans mes structures, que j’étais épurée par un feu qui consumait l’ancien et l’inutile.

 

J’ai appris de mon guide spirituel que c’est au cœur de l’impuissance que le sacré fait son nid. J’y étais. A genoux, pleurant toutes mes pertes, ne sachant quelle grâce demander. 

 

Qu’est-ce donc qui m’a tenue « en vie » ? Je me suis interrogée en permanence sur ce qui tenait en vie l’humanité dans ses plus grands défis. Je n’avais pas de réponse. Quand j’étais au bout de mes limites, je disais juste : comment ont-ils fait ?

La pensée de Christiane Singer dont j’admire tant l’écriture et le parcours, ne m’a pas lâchée pendant tout ce temps. Emue par son dernier livre « Derniers fragments d’un long voyage », je restais comme sidérée par sa fin. Je pensais : si elle, elle est partie, que puis-je, moi, face à ce qui me traverse ? C’était une grande leçon d’humilité d’acquiescer aux destins de chacun.

 

Mes intentions, ma « volonté », ma détermination, me semblaient bien peu de chose face à ce qui m’anéantissait. Je ne me sentais aucun pouvoir. Même si l’on entend à l’envie que nous sommes co-créateurs, que nous avons un pouvoir illimité, là où j’étais, j’avais du mal à le mesurer et je n’étais pas très sûre d’y contribuer beaucoup !

 

J’avais l’impression d’avancer connectée à des niveaux différents. D’un côté ma force intérieure qui ne voulait pas faiblir, portée par mes élans de gratitude devant la beauté, offerte par l’éphémère dont je me nourrissais ; d’un autre côté, un sentiment d’impuissance totale devant le mystère de la vie et de la mort, devant tout ce qui m’était retiré, devant les forces qui tout à coup se réveillent et vous assaillent. J’étais consciente d’être prise entre ma part illimitée, liée au divin, à la conscience éternelle, et la part la plus limitée en moi, liée à ma personnalité, à mon humanité, à ma chair, à mon corps si difficilement « contrôlable » et réparable !

 

Je sentais en moi, réellement, ou du moins je voyais très clairement, cet élan de vie, ces projets qui attendaient d’éclore, cette pulsion qui cherchait à retrouver son feu, je voyais se dérouler tous les possibles, ils étaient presque au bout de mes doigts, mais de l’autre côté d’une frontière et tout restait impossible. J’étais le témoin de mon impuissance, d’une force plus forte que mon propre désir. Une chape de plomb me recouvrait, je n’arrivais pas à passer au travers et aucune pensée ne pouvait se concrétiser pour des choses parfois très simples et ordinaires. Je n’avais même pas la force de me débattre, j’avais juste envie d’hurler d’être comme emmurée vivante.

 

 

La rencontre des mémoires

 

Comment expliquer six années de souffrance et de descente aux enfers ? Par un manque d’intelligence, de conscience, d’envie de vivre, de volonté à guérir ? Ce serait tellement rassurant pour la plupart des gens ! Ainsi chacun pourrait se sentir protégé de ce qui peut arriver du jour au lendemain, la maladie comme la mort et surtout la souffrance intolérable issue du passé.

Si la maladie était la signature d’un manque de conscience, comment expliquer que tant de personnes très avancées sur le chemin, tant de saints, de religieuses, de gurus, y soient confrontés ?! La maladie reste aujourd’hui stigmatisée comme une expérience qui arrive à des gens qui « ne sont pas dans le bon chemin », « qui ont quelque chose à comprendre », « qui ne sont pas dans la lumière », « qui paye leur manque d’hygiène de vie », …bref, j’ai entendu tant d’inepties à ce propos qui pourraient faire sourire par leur naïveté et leur assurance péremptoire, mais lorsqu’on est au cœur de la tourmente, cela ne fait pas rire du tout. Ce qui est sûr, c’est que la seule chose qu’il y a à comprendre, c’est qu’il y a quelque chose à guérir. Et qu’on ne peut guérir avec des mots et des méthodes utilisant les mêmes maltraitances subies par le passé.

Chaque être rencontre un jour ses limites. Ou pas. Les illusions sont nombreuses et nous sommes tellement limités que seule l’humilité devrait être notre guide en toute circonstance. Il serait tellement préférable de dire « je ne sais pas ». Car ceux que j’ai rencontrés et qui disaient savoir, parlaient de quelque chose dont ils ne faisaient pas l’expérience. Tout comme je pouvais le faire moi-même il y a quelques années, avant cette traversée. Or, c’est l’expérience, seulement la traversée de l’expérience, qui permet de parler de ce qui nous a traversés…

 

Dans le processus qui était le mien, rien de la conscience ou du ressenti n’avait disparu. Au contraire, avec le temps, l’un et l’autre augmentaient et allaient à la rencontre de cette mémoire cellulaire qui suintait de partout et qu’il fallait accueillir. Aucun claquement de doigt, aucun vouloir ne pouvait me faire sortir de ce qui me rendait malade. Nous abordons ce type d’étape avec tous les voiles et les refoulements laissés par le passé, tant le passé de l’enfance, que le passé transgénérationnel, voire karmique.

 

Pour ma part, la force de cette mémoire était tellement puissante, tellement mortifère que rien de ce que j’avais appris, mes croyances, mes savoirs, mes trente années de « développement personnel » n’était en mesure de « comprendre », pas plus que « d’accueillir » ce qui se présentait si soudainement et si intensément dans ma vie.

Et je le répète, aucune « volonté » n’a d’action sur ce processus. La volonté ne maîtrise rien. Vouloir n’est pas pouvoir. Au mieux pouvais-je garder au plus près de moi, au plus intime de mon être, une intention : celle de guérir et de m’en sortir vivante. Et là, je n’étais sûre de rien, car la force de ce qui me traversait me dépassait.

 

C’était comme un fleuve en crue. Si les humains n’ont pas prévu de barrage ou si le barrage cède sous l’intensité des flots, ou si la nature n’oppose pas de résistance matérielle à ce flux, alors cette eau va tout envahir, va tout inonder. Il faudra des efforts et du temps pour écoper, pour nettoyer l’espace embourbé par ce que l’eau a drainé avec elle, pour assécher, trier, réordonner l’espace abîmé par l’inondation et le bourbier dévastateur.

 

C’est ainsi qu’était arrivé et avait fait irruption mon passé, passé lointain des premiers jours, premiers mois, premières années où aucune parole n’est encore présente pour se raconter ce qui se passe, aucune logique pour expliquer l’abandon, l’oubli, l’absence de lien, le déracinement.

Pas de mot. Seulement la mise en abîme. Seulement le corps qui sait, sent et « pense » par ses cellules, en absorbant chaque ressenti engrammé, en attente d’être -un jour peut-être- décodé dans un improbable futur. [6]

Ce qui ne peut se penser, se parler, s’inscrit avec force, en apparence invisible dans un premier temps. Mais tout est intact, laissé en dépôt dans la matière de notre corps.

La force avec laquelle va s’exprimer cette mémoire est proportionnelle à l’intensité du traumatisme et en relation avec les conditions stressantes de l’environnement présent. Ces conditions sont en effet permissives pour que le corps et l’inconscient perçoivent la similitude entre la situation présente et la situation passée. Cela peut être du harcèlement au travail, de la violence, la maladie, un deuil…, la vie va nous mettre en situation de ré-éprouver ce qui était enkysté et que nous serons amenés à recycler, comme des déchets qu’il faut transformer, traiter pour assainir un lieu.

 

Il a donc suffi d’une situation particulière, en l’occurrence extrême pour moi comme la maladie de Lyme pour être replongée dans la vulnérabilité, la douleur (non comprise, exactement comme ça arrive quand des bébés pleurent et qu’aucun adulte ne sait apporter de réponse adéquate), la faiblesse, la fatigue, la perte de repère, l’impuissance totale tant physique que psychique, toutes ces conditions qui font que l’on devient une « proie » idéale et si facile pour d’autres personnes qui vont s’engouffrer dans cette faille et y projeter toutes leurs croyances, toutes leurs réactions, tout leur mal-être avec une intensité qui ne s’exprimerait pas ainsi en d’autres circonstances.

 

Ainsi la blessure d’un autre, ses failles, vont pouvoir jouer à l’identique le comportement du parent avec lequel nous étions en lien dans le passé et qui nous a blessé. C’est tout le problème de la dépendance qui refait surface. Un adulte limite (normalement) ses actions maltraitantes vis-à-vis d’un autre adulte, mais beaucoup moins vis-à-vis d’un enfant qui ne peut pas évaluer ce qui se passe, ni réagir ou fuir. La dépendance est la source de la plupart des maltraitances : humain/animal, homme/femme, adulte/enfant, professeur/élève, chef/subalterne, c’est-à-dire chaque fois qu’il existe une domination et un abus de pouvoir dont on ne peut s’extraire facilement. Dans certaines situations, nos défenses sont amoindries, permettant cette domination et d’être littéralement vampirisé par le système de l’autre.

 

 

Système immunitaire et intégrité

 

Ici, dans cette maladie, c’est tout mon système immunitaire qui faisait défaut, entre autres désordres physiologiques, puisque le système nerveux était aussi gravement atteint, j’étais parasitée jusqu’au cœur de mes cellules, de mon cerveau.

Système immunitaire sensé faire le tri entre le soi et le non-soi…

A quel moment, mieux que la petite enfance, cette frontière est au plus bas, presque abolie, notre « soi » étant dilué dans le « soi » de notre mère, notre corps éthérique recevant et se construisant à partir du corps éthérique de notre mère, notre corps et notre psyché n’étant pas encore dissociés de ceux de notre mère ? Rappelons que le système immunitaire met sept ans pour se construire, donc que nous sommes totalement immatures dans les premières années de la vie et que nous apprenons lentement à nous différencier.

Si tout se passe « bien » ou « au mieux », nous allons nous dissocier, à condition d’être en sécurité, d’avoir un territoire et de pouvoir passer par l’étape du « non » sans se faire détruire psychiquement. Le stade du non dans lequel l'enfant apprend à s'obstiner apparaît aux environs du quinzième mois. [7] 

Sans sécurité, sans territoire, le « non » devient évidemment difficile et l’enfant reste coincé dans une inhibition mortifère.

 

Rappelons aussi que selon les expériences d’Henri Laborit sur le stress et l’observation des trois attitudes possibles face à un stress, (attaque, fuite, inhibition), seule l’inhibition génère des conséquences psychosomatiques. [8]

 

Ainsi la maladie se configurait pour moi comme un lieu de régression vers l’enfance où je retraversais les conditions de vie qui avaient été si mortifères pour moi, sans adéquation avec mes besoins élémentaires et mon être profond.

 

 

Les jeux de rôle

 

Dans cette hypersensibilité ravivée par la maladie, tout s’engouffrait de façon exacerbée et la connaissance cellulaire du passé, ainsi que le discernement et la connaissance de moi-même acquis par mon cheminement, permettaient de déceler les non-dits, l’implicite, le déni, les incohérences, tout ce qui avait constitué mon observation aigue mais passive dans mes premières années de vie. J’ai commencé à capter et surtout à vivre des choses, des situations, des comportements, qui me mettaient en grande souffrance, touchaient mon intégrité et manifestement je me retrouvais dans l’impossibilité d’être accueillie. Bien sûr, je me disais que c’était moi le problème, c’est moi « qui clochais ». Je n’étais pas « adaptée », il fallait « que je comprenne quelque chose » (puisqu’on n’arrêtait pas de me le répéter !!), que « j’améliore quelque chose », toutes ces choses que l’enfant se dit face à un parent qui exige de lui des choses contre sa nature profonde et qui utilise l’enfant pour répondre à son propre manque d’assurance et à ses besoins insatisfaits.

 

Ainsi dans cette nouvelle relation amoureuse, désir, amour, présence, partage, lien, je fus laissée à la porte de tout ce qui pouvait nourrir une relation.

J’étais ramenée à ce que ma mère, par une coupure profonde avec elle-même, n’avait pas pu me donner.

L’impossibilité d’avoir la plus petite place dans l’intimité de l’autre, l’ambivalence, la non reconnaissance, la parole méprisante et cassante, la mauvaise foi, l’humiliation, le rejet de mon corps, les jeux de pouvoir, la manipulation, tout se rejouait de façon plus ou moins subtile, explicite ou implicite, à travers mon impuissance et mes symptômes qui grandissaient au fur et à mesure que le manque d’empathie et de présence se révélait comme une coupure sans fond où je ne pouvais être ni vue ni accueillie pour qui j’étais vraiment.

Au fur et à mesure, je captais qu’un problème structurel, profond, empêchait tout lien, cela n’ayant éventuellement rien à voir avec le sentiment amoureux, même si de fait il ne pouvait se révéler et être offert, et que cela avait à voir avec les blessures du passé.

J’étais incapable de voir la corrélation entre mes symptômes, que je mettais exclusivement sur le compte de ma précédente séparation, et cette relation actuelle, et aussi que malgré le fait que je reprenais pied dans la vie, que je m’occupais bien de moi, la maladie s’installait dans la chronicité, que ma vitalité diminuait de mois en mois, que je continuais à prendre du poids, et à gonfler (préférentiellement en présence des autres), et que mon estime de moi n’était plus qu’une peau de chagrin. Aujourd’hui, je peux imaginer que plus je réprimais ce que je sentais et qui ne me convenait pas, plus mon corps dépérissait, comme l’enfant qui est condamné à faire mourir en lui son Soi profond, pour continuer à plaire à ses parents et ne pas déranger. [9]

 

« Mieux nous connaissons l’histoire de notre vie, mieux nous pouvons détecter les manipulations, d’où qu’elles viennent. C’est notre enfance qui, si souvent nous en empêche. C’est notre vieux rêve, jamais complétement vécu, d’avoir des parents bons, loyaux, intelligents, conscients et courageux, qui peut nous entraîner à ne pas voir la mauvaise foi ou l’inconscience (…). Lorsque l’illusion répond si bien à nos besoins et notre détresse, il faut plus longtemps pour ouvrir les yeux. » Alice Miller, Le drame de l’enfant doué.

La manipulation concerne ici toutes les stratégies mises en place pour s’accaparer l’autre et le rendre disponible pour nous.

 

Ainsi je restais en partie aveuglée, le plus souvent en état de confusion et écartelée entre des informations paradoxales.

D’un côté, j’étais témoin de comportements me laissant croire que l’autre était engagé, alors que la personne qui était vraiment disponible et demandeuse dans la relation, c’était surtout moi (d’ailleurs trop et pathologiquement disponible au vu de tout l’espace que la maladie prenait, me coupant de l’expression de mes besoins personnels et me laissant, comme l’enfant d’autrefois, dans le seul positionnement que permet la dépendance : être totalement disponible aux besoins et à l’emploi du temps de l’autre, pour obtenir quelques miettes d’amour) ; et parallèlement mon corps captait tous les signes d’ambivalence exprimés corporellement par l’autre (car pratiquement rien ne s’exprimait par les mots), signes manifestés avec force et constance, entretenant ma souffrance et un sentiment de folie.

Je vivais de plus en plus en situation de double contrainte. Plus je donnais, moins je recevais. Et plus je commençais à me positionner et donc à moins répondre inconditionnellement aux besoins inconscients de l’autre, à me rebeller, à ne pas accepter d'être délaissée et non respectée, plus l’autre s'enfermait dans la fuite et le désengagement.

Le corps de l’autre se fermait devant moi, alors que je voyais comme il s’ouvrait systématiquement devant d’autres femmes, je voyais comment générosité, patience, efforts, étaient offerts sans limite à l’extérieur, quand moi je n’avais droit qu’à intolérance, impatience, mesquinerie et mépris pour ma vulnérabilité.

 

La maladie m’avait fait me retrouver « toute petite ». Par la loi de résonnance, quoi de plus efficace pour rencontrer des personnes, des situations, des comportements qui allaient faire écho à la façon dont j’avais été traitée quand j’étais « toute petite » ?

 

 

Sortir du désamour

 

 

 

Mais jusqu’où peut-on continuer à protéger les autres, subir leurs blessures qui nous blessent et leurs systèmes maltraitants voire pervers[10], de peur que notre propre vérité soit blessante pour eux en leur révélant leurs limites ? Jusqu’où peut-on rester dans le désamour ? Jusqu’où peut-on nier ses besoins et son être ? Jusqu’où peut-on rester dans l’illusion ? Jusqu'où peut-on manquer de courage? [11]

Il arrive un temps où, après avoir exprimé ses besoins et n’avoir pas eu de réponse, ce n’est plus possible. La vérité intérieure demande grâce, quel qu’en soit le prix à payer. C’est en sortant de cette loyauté invisible que l’on met fin à la toxicité du passé et que l’on peut guérir. « Chacun doit payer le prix de son désir » dit le psychanalyste Willy Barral. La satisfaction des besoins doit repasser par soi-même.

 

La loyauté m’avait tenue dans une méconnaissance de moi-même et fait croire que j’étais la source du problème, qu’il y avait quelque chose à changer en moi et qu’en acceptant toujours plus les exigences et la mauvaise foi d’autrui je serais peut-être plus aimable et finalement aimée. La loyauté me maintenait dans la confusion, incapable de me dissocier du système toxique qui m’avait servi de référence, et elle me privait à la fois du discernement et des ressources nécessaires pour sortir du système. Ce qu'il y avait à changer, par contre, c'était toute l'organisation de ma vie et la redéfinir par rapport à mes propres sensations et besoins.

 

A force d’écoute de moi-même, à force de valider à nouveau tous mes ressentis internes et mes émotions, de donner la priorité à ce que mon corps exprimait et non pas à ce que l’extérieur semblait attendre de moi, la vérité se faisait jour petit à petit et remontait comme des cailloux enfouis sous une terre de plus en plus meuble. L’évidence du non-accueil que je vivais, enflait proportionnellement à mon corps qui gonflait à chaque effondrement de la présence de l’autre.

 

Cette priorité redonnée au ressenti, s’est étendue jusqu’à l’intuition, mes antennes se sont dressées. Il était temps, étant donné que plusieurs personnes avaient déjà vu et pressenti depuis plusieurs mois ce que je serais contrainte de vivre et de voir de mes propres yeux, dans l’humiliation.

J'avais posé une question. J'avais demandé à l'autre de me dire où il en était dans cette relation. Au bout d'un mois, malgré relances et perches tendues, rien que du silence et visage de dégoût lorsque je m'approchais.

Mes antennes me dirent que j’étais à nouveau en danger, que l’autre, dans ses systèmes de fuite, s’était investi ailleurs. Déni en surface et pourtant j’ai eu, profondément, la conviction que quelque chose se passait. Le ciel était tout à coup chargé d’une énergie nouvelle qui m’alertait. Comme l’enfant sait intuitivement les éloignements et les trahisons de sa mère et comprend que les raisons qu’on lui donne ne sont jamais les vraies, je savais avec acuité que quelque chose se créait, ailleurs, et que j’étais soustraite à la vérité, tenue dans le secret d’un processus psychique dont la finalité était l’abandon et ma mise à l’écart.

 

Quand j’ai senti cela, coupant l’espace devant moi de haut en bas, une épée s’est levée. En même temps qu’une colère indescriptible.

 

Quand l’épée s’est levée, ai-je moi-même armé mon bras ou bien mon bras était-il armé par une force plus grande que moi ? Peut-être était-ce la Vie qui réclamait en moi, qui exigeait son dû et demandait à retrouver impérativement de l’espace dans un système devenu tellement mortifère.

 

La force qui m’a traversée m’a parue phénoménale, à la hauteur probablement de la force antagoniste qui était entrain de m’engloutir et de me faire mourir. J’étais engluée dans un enfer indescriptible, intraduisible et quelque chose en moi s’est levé et a dit : stop !

 

Dans les heures qui ont suivi, une phrase est tombée : « tu es libre et guérie ».

 

Ensuite, c'est moi qui ai dit à l'autre personne, puisque tu n'as rien à me dire, alors je n'ai plus rien à te dire. La sentence était brutale, à la hauteur  des portes fermées depuis des années et à la hauteur de ce que je m'étais laisser infliger.

 

Le prix à payer a été de même nature que lorsque par le passé je tentais de dire non à ma mère et que je me retrouvais dans un système de vengeance et de punition. Je payais généralement chèrement mes tentatives de liberté ou d’autonomie, et ma mère me faisait tout de suite clairement comprendre que je n’étais plus « sa fille » et qu’elle me préférait quelqu’un d’autre, une cousine généralement, sur qui elle déversait ses générosités, ses cadeaux et son attention.

 

Dans ce que l'autre manifestait, clairement il me signifiait qu'il avait déjà mis fin à la relation et toute la subtilité du système pervers consiste à faire porter à l'autre sa propre réalité, pour ne jamais en prendre la responsabilité. Ainsi c'est moi qui me faisais larguer, mais c'est moi qui mettais en action ce qui était rendu implicite... Ainsi après cette limite posée par moi qui mettait fin à la relation, j’ai été « remplacée » en moins d’une semaine. En me rendant à une conférence dont nous avions parlé quelques semaines plus tôt, mon intuition m'a avertie de ce que j'allais y trouver, à savoir cet homme tendrement enlacé dans les bras d'une autre. J'ai ainsi pu constater par moi-même l'inélégance de cette fin de relation et que, là encore, le corps sait bien avant nos résistances psychiques ce qui se joue dans nos vies.

 

J’ai aussi « payé » financièrement la fin de cette relation, par une dette qui ne m’a pas été entièrement remboursée. Et j'ai eu de la "chance"..., j'ai failli devoir aussi payer des services qui m'avaient été rendus pendant le temps de la relation, comme le transport de cartons de déménagement ! J'ai manqué de répartie et d'humour (ça manque un peu l'humour dans ces moments là...), pour envoyer ma facture avec tous les repas préparés, les heures de ménages et vaisselle, les heures de "psy" à écouter ses problèmes, et la liste des objets laissés gracieusement, alors que moi il ne me reste aucun des cadeaux offerts pendant cette relation.

Finalement…, ce marchandage ne faisait écho à rien d'autre que des pratiques qui étaient courantes dans mon système familial et dont je pouvais voir ici la matérialisation, la cristallisation, en conscience, et surtout retrouver le chemin émotionnel que cela réveillait, à savoir des colères noires et destructrices. Ces colères, vécues intérieurement, m’ont traversée pendant des jours et des jours, de façon si intensive que je me croyais capable de faire du mal à autrui et surtout à moi-même. Un massacre avait lieu à l’intérieur de moi. J'entrais en contact avec tout ce qui m'avait massacré depuis l'enfance. J’avais l’impression d’être assise sur une bombe, dont la charge s’échappait et dont je n’avais plus le contrôle.

Mais une partie de cette colère me tenait debout et m’avait rendu ma dignité, mon intégrité, en mettant fin au mensonge et au déni.

 

 

La guérison

 

La « magie » du processus traversé, bien que très douloureux et traumatisant, c’est que du jour au lendemain je pouvais à nouveau marcher normalement, porter des choses lourdes sans ne plus être accablée, me baisser et me relever facilement, je retrouvais ma force, mon élan de vie, les rues de la ville s’ouvraient à nouveau devant moi, moi qui était restée confinée pendant six ans dans un espace très restreint et je prenais plaisir à rentrer à pieds de mes rendez-vous.

Mon corps reprenait ses droits, sortait ses « poubelles », faisait le ménage. Un kyste asymptomatique depuis des années s’est enflammé d’un coup, au point de devenir aussi gros qu’un œuf. Mes traitements naturels n’en venaient pas à bout, et après la visite chez le dermatologue et une crème antibiotique, du pus épais s’est écoulé pendant au moins trois semaines.

 

Littéralement « écœurée », au sens propre, par cette fin de relation, j’avais la nausée tous les jours et mon corps s’est mis à jeûner, probablement pour digérer des choses plus importantes et plus subtiles que de la nourriture solide. En un mois, j’avais perdu dix kilos, retrouvé un visage, je n’avais plus d’œdèmes, je ne m’effondrais plus au moindre effort, ma peau qui était devenue craquelée comme celle d’un alligator, était redevenue fine et douce, mon regard opaque était redevenu brillant et ma voix s’était raffermie et posée. Une transformation que les personnes qui m’avaient vue un mois avant ne manquaient pas de me faire remarquer, comme deux de mes thérapeutes qui constataient que c’était « le jour et la nuit » et que j’avais été capable d’accomplir une véritable « révolution ». Pour la première fois, je n’avais pas vraiment besoin de validation, tellement l’évidence était vécue intensément dans mon corps et que je sentais cette renaissance inconditionnellement.

 

J’étais presque « comme avant », dans le sens où je retrouvais quelque chose que j’avais totalement perdu au moment de la maladie, et bien sûr, je n’étais plus la même, transformée par l’épreuve et une liberté intérieure qui était en germe et qui n’attend plus qu’à se déployer.

 

Pour autant, tout n’est pas résolu dans ma vie. Une enfance confisquée, avec des besoins niés au plus profond, laisse des traces. Il me reste donc à conquérir mon présent et mon futur. La vie est puissante et fragile et nul ne sait quelle est la prochaine étape, la prochaine épreuve, puisque c’est le Vivant qui vient chercher en nous ce qui doit sans fin être transformé. Avec humour, je demande juste à l’univers une petite pause, qui m’apparait bien méritée… Je ne me sens à l’abri de rien. Juste attentive. Car six années de descente aux enfers laissent la mémoire d'un nouveau traumatisme à digérer, et elles ont abîmé le corps qui doit retrouver une vitalité gravement atteinte.

 

Sortir des mémoires du passé passe par « revivre sa souffrance », comme le dit Arthur Janov [12], pour aller enfin vers l’autonomie. Et « La véritable autonomie est précédée de la sensation de dépendance. La véritable libération ne se trouve qu’une fois dépassé le sentiment profondément ambivalent de la dépendance infantile. », dit Alice Miller.

 

 

Pourquoi l’expérience peut-elle avoir lieu, pourquoi ces mémoires peuvent-elles être réactivées de façon si intense ? C’est Danièle Flamenbaum, auteur du livre « Femme désirée, femme désirante », qui m’a mise sur cette piste de compréhension. Si quelque chose est réveillé dans une relation, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’amour. C’est au contraire parce qu’à un moment on touche cette sensation d’amour ou quelque chose qui y ressemble, et qu’en conséquence, nous sommes ramenés à la première histoire d’amour de notre vie, celle d’avec notre mère. Et si cette histoire s'est vécue dans le désamour, la relation amoureuse devient la scène où se rejoue ce désamour.

 

Pour retrouver le vrai chemin de l’amour, il faut retrouver le chemin vers soi-même et son Soi qui a été oublié en cours de route.

 

« C’est dans cet accès spontané, tout naturel, à ses sentiments et à ses désirs personnels que l’être humain puise sa force intérieure et son respect de lui-même. Il a le droit de vivre ses émotions, d’être triste, désespéré ou d’avoir besoin d’aide, sans trembler de perturber quelqu’un. Il a le droit d’avoir peur quand il se sent menacé, de se fâcher quand il ne peut satisfaire ses désirs. Il sait non seulement ce qu’il ne veut pas, mais aussi ce qu’il veut, et se permet de l’exprimer – que cela lui vaille d’être aimé ou détesté. »

 

Voilà quelle est la véritable invitation à la liberté, à laquelle nous sommes encore nombreux à être conviés, pour guérir et grandir.  

 

« Nous ne pouvons rien changer à notre passé, faire que les dommages qui nous ont été infligés dans notre enfance n’aient pas eu lieu. Mais nous pouvons nous changer, nous « réparer », regagner notre intégrité perdue. Pour cela, il faut nous décider à considérer de plus près le savoir que notre corps a emmagasiné sur les événements passés, et à le faire émerger à notre conscience. Cette voie est certes inconfortable, mais c’est la seule, semble-t-il, qui nous permette de sortir enfin de l’invisible prison de notre enfance et de nous transformer, d’inconsciente victime du passé, en un homme ou une femme responsable, qui connaît son histoire, et vit avec elle ». [13]

 

 

MT

 

 

 

Gratitude

 

Un chemin vécu dans la solitude ne veut pas dire que l’on n’a pas été accompagnée…

Je remercie toutes les personnes qui se sont trouvées sur ma route, celles qui m’aiment comme celles qui m’ont blessée, car toutes m’ont permis d’avancer sur le chemin de conscience.

Je remercie l’âme de P. pour avoir participé à ma guérison

Je remercie JC pour m’avoir montré le chemin du coeur

Je remercie Ch. mon amie, ma sœur de cœur

Je remercie mes thérapeutes, D., Ch., Ch., et leur bienveillance qui fut comme un baume

Je remercie M. mon guide spirituel, pour m’avoir permis de rester connectée au sacré

Je remercie les présences invisibles, le mystère de la vie et tout ce qui me dépasse,

Je remercie mes parents, qui m’ont donné la vie

Je remercie mon corps, son intelligence et sa force.

Je remercie la Terre qui m’a portée…

 

 

 

[1] Voir le livre de Boris Cyrulnik « Sauve –toi, la vie t’appelle », où l’on voit comment la souffrance peut rester inaccessible pendant des années ; il cite à ce propos l’ouvrage de Nicolas Abraham « L’écorce et le noyau » qui constitue « la meilleure théorisation psychanalytique de la notion de « crypte ».

 

[2] Nous sommes en fait équipés dès l’enfance pour l’empathie, mais notre mode éducatif, les maltraitances relationnelles, nous ont coupés de cette ressource naturelle.

 

[3] René. SPITZ l'avait démontré en étudiant le fonctionnement des pouponnières.

Dans une pouponnière modèle, il constate que les enfants privés de leur mère présentent une sensibilité accrue aux infections (37 % de mortalité) par rapport à ceux d'une maison maternelle qu'il suivait simultanément (aucun décès).

C'est ainsi qu'il regroupa un certain nombre de troubles graves, engendrés chez les nourrissons par un séjour prolongé en milieu hospitalier, sous le nom d'«hospitalisme».

Il constate en effet que malgré des soins attentifs, les enfants séparés de leur mère n'arrivent pas à se développer normalement. Leur croissance physique est ralentie, la résistance aux maladies diminue, le niveau intellectuel décroît, le langage reste rudimentaire, le balancement est presque toujours présent.

Ce dernier phénomène va de pair avec un important retard dans le domaine des relations sociales. Le balancement est consécutif à une carence affective ou à l'instabilité des relations existentielles avec les personnes de l'entourage.

Dans le syndrome de l'hospitalisme, l'enfant se fait parfois du mal (il cogne sa tête ou s'arrache des touffes de cheveux) et des troubles caractérielles s'installent : après les cris et les pleurs de désarroi et d'anxiété, la résignation s'installe avec l'apathie, le refus d'aliments et l'indifférence. Ces troubles sont d'autant plus accentués que la séparation survient précocement et qu'elle est durable. Pour R. SPITZ, après le cinquième mois de séparation, les troubles sont fixés irrémédiablement.

 

[4] « L’enfant a un besoin inné d’être pris au sérieux et considéré pour ce qu’il est. « Ce qu’il est » signifie : ses sentiments, ses sensations et leur expression, et ce dès le stade du nourrisson. Dans une atmosphère de respect et de tolérance pour les sentiments de l’enfant, celui-ci peut, à la phase de séparation, renoncer à la symbiose avec sa mère et accomplir ses premiers pas vers l’autonomie » ; Alice Miller, Le drame de l’enfant doué

 

[5] « Pour traverser les pires moments de la vie, que conseillait saint Silouane, l’un des plus grands spirituels de la tradition orthodoxe ? En tous cas pas de prier – comment prier quand on n’est plus en relation, quand dans son intériorité on n’a plus personne à qui s’adresser ?

Et là aussi, sa parole vaut pour tout être humain, quelle que soit sa croyance ou son incroyance – « Tiens ton souffle en enfer et ne désespère pas ! » : tu as le sentiment que plus rien ne tient ni ne te tiens, mais il reste ce souffle qui te traverse et te garde néanmoins en vie : concentre-toi sur ce souffle, inspire cet air qui te vient d’ailleurs et, en expirant, chasse ce qui t’encombre et t’étouffe ! Tu ne nies pas l’enfer où tu te trouves ; tu ne cultives pas la pensée désespérante que rien d’autre n’existe : tu mets toute ton attention sur ce souffle ténu mais têtu qui te parle encore de la vie.

Et c’est à travers ton corps que le souffle d’une Présence va te parvenir peu à peu à mesure que la paix t’envahira. », Lytta Bassest, Ce lien qui ne meurt jamais

 

[6] Nous avons recours à des mécanismes qui nous permettent de fuir la réalité lorsqu'elle est intolérable. Nous refoulons les informations nocives et nous les stockons, en attendant de pouvoir les traiter. Arthur JANOV cite une expérience menée dans un laboratoire pour illustrer ses propos sur le refoulement :

"(…) dans un laboratoire de biologie, une amibe, être unicellulaire, nage dans une boîte de Petri. Un chercheur ajoute quelques gouttes d'encre de Chine à l'eau du récipient. L'amibe absorbe le pigment et le conserve dans une vacuole. Puis il remplace l'eau polluée par de l'eau fraîche. L'amibe évacue alors les granulés d'encre, reprend son état normal (…)".

Plus loin, il revient sur cette expérience pour la comparer à notre fonctionnement d'humain:

"Le comportement de cet organisme unicellulaire microscopique si primitif est néanmoins révélateur et nous permet de mieux comprendre la névrose humaine, car il est, sous l'angle de l'évolution, le prototype du devenir humain. La manière dont l'amibe traite l'intrusion étrangère de l'encre de Chine est analogue à celle dont nous traitons nos traumatismes. Dans les deux cas, un agent de stress provoque dans l'organisme une mobilisation des défenses et modifie son fonctionnement normal. L'amibe enferme les granulés indésirables dans des vacuoles; nous refoulons l'information nocive et la stockons dans notre cerveau (…)". Arthur Janov, in Le Corps se souvient, p 18, p 26

 

[7] Le stade du « non » dénote l'acquisition d'une capacité d'abstraction, révélée par une faculté de jugement. Pour Spitz, le "non" est l'aboutissement d'un long processus de maturation somato-psychique qui ouvre la voie vers la communication humaine. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Spitz

 

[8] Voir l’expérience très connue d’Henri Laborit sur « la cage d’inhibition », expérience menée avec des rats à qui l’on permet d’être soit dans l’attaque, la fuite ou l’inhibition : http://www.alasanteglobale.com/laborit.html

 

[9] « L’adaptation aux besoins parentaux conduit souvent au développement d’une « personnalité-comme-si » (…) L’enfant se conduit de manière à ne montrer que ce que l’on attend de lui (…) Son vrai Soi ne peut se développer et se différencier car il ne peut être vécu. (…) Il s’est effectivement produit un tarissement, un appauvrissement, un étouffement partiel de leurs possibilités. L’enfant a été blessé dans son intégrité, et cela l’a amputé de sa spontanéité, de son élan vital ». Alice Miller, in Le drame de l’enfant doué.

 

[10] Je redonne ici à ce terme son sens issu de l’étymologie latine : dans le sens de "changé en mal" mais aussi dans le sens de "dénaturé", du latin pervertere, renverser, retourner, mettre sens dessus dessous.

 

[11] Alice Miller rappelle que les enfants maltraités sont « sans la moindre compassion pour l’enfant qu’ils étaient, et ceci est d’autant plus frappant que ces patients montrent non seulement une faculté d’introspection peu commune, mais encore une assez grande capacité d’empathie ». Mais « ils ne prennent pas au sérieux leur destin des années d’enfance, n’en ont pas la moindre compréhension émotionnelle (…). Le drame originel a été si parfaitement intériorisé que l’illusion de la « bonne enfance » peut être sauvée ».

 

[12] Arthur Janov, Le corps se souvient, guérir en revivant sa souffrance

 

[13] Alice Miller, Le drame de l’enfant doué

 

 

 

 

Michèle Théron ©

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14 juillet 2015 2 14 /07 /juillet /2015 13:27
Essence de femme - Michèle Théron

 

 

Je suis femme. De toute éternité. Même au plus près de mes renoncements, même au plus près de l’oubli de moi-même, mon corps ne l’a jamais oublié. Au milieu des tourments les plus noirs, brille encore l’éclat insaisissable de mon essence, restée intacte dans un monde souterrain perdu sous ma chair. Impossible de dissoudre cet absolu, mélangé comme un ciment à mes cellules, et dont secrètement je désire la manifestation intime.

 

Pourtant chaque jour, comme une pierre lancée dans l’eau et s’enfonçant dans les profondeurs, l’oubli m’a tenue prisonnière des ténèbres. C’est captive de cet oubli que j’ai vu mon sang se répandre et quitter mes veines. Transformée en statue de sel, les pieds collés et immobilisés sur ma route, il fallait tant de larmes pour me rendre à nouveau vivante.

 

Vide depuis si longtemps, j’avais oublié mon ventre, grand comme la mer, mouvant, profond, capable d’engloutir, de donner, de bercer. J’avais oublié cette coupe précieuse, porteuse d’une connaissance ancienne, indicible et mystérieuse.

 

J’entends les cris de la terre. J’entends les cœurs semés dans la nuit qui pulsent une danse méconnue. Mes pieds s’éveillent et prennent la cadence. C’est doux, profond, comme un chant oublié, une pulsation gigantesque et pourtant secrète, sourde, qui existe depuis toujours. C’est une onde qui se propage, bute sur les cailloux des chemins, gravit les montagnes, dévale les pentes, tourbillonne dans les cheveux des arbres, caresse les coquelicots sans les effeuiller, jaillit avec le clapotis des sources et galope derrière les chevaux en liberté pour toucher mon cœur, là, tout au milieu de moi.

 

C’est comme un courrant électrique qui traverse les ténèbres, s’enroule autour de mon corps, palpite sur ma peau pour pénétrer l’impénétrable. Pour ouvrir tout ce qui reste fermé, clos, étanche. Pour délivrer tout ce qui reste séquestré, enseveli, engourdi, en sommeil. C’est comme l’appel du tambour du chaman. Comment ne pas y répondre ? Ne pas pouvoir y répondre, c’est creuser une tombe en moi, c’est laisser les plaies ouvertes, sans possibilité jamais de pouvoir cicatriser, c’est sentir ma lumière intérieure s’affadir, c’est sentir les larmes se geler, c’est recevoir le baiser de la mort.

 

J’entends mon cri de femme blessée et aveugle, je sens combien palpite mon cœur, tendu comme ce tambour qui résonne au creux des forêts. Combien de larmes faudra-t-il encore pour passer de l’autre côté du miroir, déchirer enfin le voile et voir à nouveau avec mes yeux de prêtresse ?

 

Mon cri retentit depuis toujours, ma parole cherche sans cesse à renaître, là où elle fut prisonnière. Mon langage est né de l’aube et fut béni par la mer. Il coule comme les rivières qui retournent amoureusement vers l’océan.

 

Mais femme je suis. Gardienne de la terre, si je suis muselée, ce sont les steppes sauvages, les forêts et les prairies qui disparaîtront. Ce sont les louves qui cesseront de prier sous la lune, les oiseaux qui seront privés de leurs chants. Tout en moi résonne avec la terre, mon âme est emportée par les rivières, par la force du vent, par le frémissement des arbres, par le grondement du tonnerre. Elle est appelée secrètement par le chant des sources cachées dans les entrailles de la nature.

 

Femme je suis, simple créature vibrante, avec une âme affamée qui brûle comme une flamme. Ma maison est la nuit, ouverte comme un livre. Elle offre ses secrets comme autant d’étoiles qui tombent sur moi. La lune est mon miroir. Je n’y vois jamais mon visage, seulement celui de mon âme rendue transparente et ardente.

 

Une seule étoile m’inspire, celle qui parle de l’envers de moi, comme une chair oubliée dans un lien défait. Celle qui porte ton nom, signature gravée dans un parchemin éternel. Dans ma nuit intérieure, je t’ai sans cesse cherché, ombre vacillante brillant comme un diamant noir. Animale et sauvage, incomplète et infirme, j’ai rêvé de ton pas pour marcher dans la vie, souple comme l’herbe. T’oublier, ce serait devenir de pierre, ce serait ramper dans le fleuve noir de l’ombre, ce serait rouler comme des flots impurs, sans pouvoir me reconnaître dans le miroir de l’eau. Mais les portes du ciel se sont ouvertes, telles des écluses libérant leurs eaux puissantes où coule ton souvenir.

 

Gardienne de la terre, je garde aussi les portes de ton royaume. Je suis comme une grotte, fermée dans l’attente de ton désir, ouverte par ton désir manifesté. Désir tendu comme un pieu pour amarrer ma barque à ta rive. Femme sauvage, brûlée dans mes terres intérieures, je suis jetée dans l’éternité si je touche ton cœur d’homme.

 

Alors je courre sur la terre en claquant mes talons, dans une danse faite pour te capturer. Ma science sera parfaite, elle sera cachée, voilée, mystérieuse, pour déjouer les pièges tendus par ton insaisissable liberté et pour mieux servir les mystères de la vie. Il faudra que je me fasse douce, que je pétrisse ma terre, que je la laboure de mes rêves. En tissant ma toile, je tisserais nos vies. Les yeux fermés, la pensée ouverte sur la nuit étoilée, je serais le passage offert à ton destin.

 

Je sais qu’il te faudra creuser mon féminin, l’apprivoiser, le questionner. Je sais qu’il me faudra m’habiller de lumière pour préparer mes filtres, me parer de patience pour capter ta force, pour te contenir, t’envelopper et te guider lentement vers l’amour. Doucement, tu mettras tes pas dans mes mots.

 

Femme je suis. Alors je te cherche, toi, pour unir ma terre à ton ciel. J’attends d’être touchée par ton épée de lumière, j’attends que ton corps traverse ma chair jusqu’au bout des étoiles, illumine et mon cœur et mon âme. Je sais dès lors que je pourrais être présente à l’essentiel, pour t’accueillir et t’agrandir dans l’amour partagé, nos deux corps filtrant l’amour comme deux roches transparentes.

 

Comme une matrice, je garde l’empreinte de nos retrouvailles, laissée depuis la nuit des temps dans ma chair, comme un sentier à retrouver. La terre est mon ventre, elle reste ma mère, mon initiatrice, pour guider mes pas vers toi.

 

Sous mes pas, la terre est détrempée, molle et noire. L’odeur de l’humus pique mes narines. Je sens son humidité qui vient chercher l’humidité de mon corps. Là où les choses fermentent, se multiplient doucement dans un devenir encore incertain, non défini, en attente. Je sens l’humidité de la terre qui vient parler à mon humidité de femme. Je sens une terre meuble à l’intérieur de moi, une terre où tes pas ont laissé une trace profonde, à la fois comme une blessure mordante, mais aussi comme un long chemin bordé d’amour. Une terre porteuse de semences secrètes enfouies profondément. Il suffit d’attendre.

 

Attendre que les cailloux remontent à la surface, pour nettoyer la terre, la tamiser et la fertiliser.

 

Attendre que le soleil revienne, que ses rayons chauffent et assèchent la terre là où elle est encore inondée de larmes.

 

Alors la matrice pourra laisser germer ce qu’elle garde en elle comme un trésor. L’attente est comme la saison de l’automne. Et à l’automne, il est encore trop tôt pour savoir ce que donneront les semences. Certaines n’auront pas résisté à la morsure de l’hiver, brûlées par la neige. D’autres n’auront plus la force d’éclore, englouties et mangées par la terre. D’autres enfin seront appelées. Dehors sera plus fort que dedans. Dehors sera plus fort que la moiteur. La vie prend toujours ce dont elle a besoin. Je serai pétrie, aspirée, appelée, une saison prochaine.

 

Qu’est-ce que la terre aura gardé, sans jamais me le rendre ?

 

Que m’aura-t-elle donné, sinon à voir mon essence de femme, à tenir comme un flambeau pour éclairer les ténèbres ?

 

Michèle Théron © 2005

 

 

 

 

 

 

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3 juillet 2015 5 03 /07 /juillet /2015 19:21
Je t'ai donné un coeur

 

 

Je t’avais donné un cœur

Rempli de lumière

Je t’avais donné l’amour

Comme un parfum délicat

Je l’ai mis dans  un écrin

Pour le rendre précieux

Et j’avais à l’intérieur

Initié un mouvement

Pour faire entrer la vie

 

Toi, tu devais juste le protéger

Etre le gardien des mystères

Ouvrir tes yeux pour voir les choses éclore

 

Je t’ai donné un cœur

Qu’en as-tu fait ?

 

MT ©

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Michèle Théron, praticienne de santé naturopathe, femme en chemin, je vous partage sur ce blog des articles, de la poésie, des photos créés par moi, et les citations, articles, vidéos qui nourrissent mon chemin et m'inspirent.

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