Le blog de Michèle Théron lejour-et-lanuit.over-blog.com
Il y a cet amour,
Tendu vers dehors
Cet élan fuchsia
Qui s’enroule à la vie
Il y a ce cœur
Tendu vers l’impossible
Cette palpitation
Qui s’épuise à la mort
Il y a ce sourire
Tendu comme une offrande
Ce pays d’ailleurs
Que je ne peux rejoindre
Il y a cette beauté
Tendue vers le ciel
Cette divine présence
Qui parle en silence
Il y a tout cela
Dans le jour finissant
Aux portes du soir
Qui bleuit en douceur.
MT ©
Je flotte inconsciente dans ce néant rempli de tout, comme un cosmonaute errant séparé de son vaisseau. La terreur pulse à mes tempes en sentant mon corps s’éloigner, s’égarer dans l’espace irrespirable, coupé du cordon qui, l’instant d’avant, faisait de lui encore un vivant. Je n’ose même pas songer à ce qu’il pourrait y avoir à l’autre bout de ce cordon, s’il n’était pas sectionné, s’il ne tanguait pas dans le vide comme une liane molle : un bol d’oxygène ou le visage d’une mère, un cœur qui bat ou des bras refermés qui me garderaient palpitante et reliée. Je flotte, sans lien avec aucune chose sinon ma coupure qui mange tout mon être, coupure qui hache ma nuque, mes flans, mes cuisses et mes mains et disperse mon être réduit en gouttelettes fines qui roulent silencieusement dans les cieux.
La terreur qui bat mes tempes marque la cadence, comme un pas qui me saoule et m’enivre. Je compte chaque enjambée lancée dans le vide, je les compte pour ne pas sentir cette déchirure, pour ne pas sentir l’endroit où tout a craqué, tissu de soie qui s’effiloche dans un crissement qui fait grincer les dents. Un, deux. Un, deux, trois. Un, deux, trois, quatre. Peut-être que les chiffres vont remplir ma tête, peut-être qu’ils vont aussi remplir ma poitrine pour remplacer cette suffocation qui gonfle mes côtes, enfle comme un ballon de baudruche prêt à éclater. Mais justement. Il n’éclate pas. Il gonfle et gonfle encore, rempli d’une substance visqueuse et lourde. Sous mon crâne, rien que du sable qui griffe mon âme, coule dans ma gorge et remplit ma bouche qui ne peut plus crier.
Je sens mon corps qui flotte, avec cette absence qui avance et se densifie, fait de moi un fantôme muet, immobile qui n’atteint plus rien et que plus rien n’atteint. Je suis si loin qu’aucun bruit ne résonne, c’est le silence qui me porte, aussi vaste d’une mer endormie, c’est lui qui m’enferme, c’est lui qui emprisonne mon souffle et gèle ma vie. Si profond qu’il devient assourdissant, qu’il cogne mes tympans, brûle ma gorge et noue mes veines en mille nœuds coulissants où ma sève s’étrangle. A force d’hurler sur moi son discours de glace, mes yeux, paupières arrachées net par la peur, s’ouvrent et je vois.
Je vois mon corps qui file dans le vide, fusée emportée par l’apesanteur, je le vois dévoré par la vitesse qui l’aspire, l’avale, l’engloutit. C’est dans un désert anthracite que je me perds, sans lune, sans étoiles, sans satellites. Rien qui n’arrête le regard, rien qui vient percuter mon corps pour l’empêcher de continuer à tomber. Vers où je tombe ainsi, dans ce vide si noir, si creux, si dépouillé de tout ? Combien de temps peut durer une noyade quand on ne meurt pas tout à fait et quand tout est hors d’atteinte ? Avalée par l’eau, je pourrais espérer toucher un fond, être rejetée sur un rivage. Ici, il n’y a qu’un espace sidéral, un infini sans limite, une damnation éternelle. Pas la peine de crier. Pas la peine de tendre les doigts. Pas la peine de penser. La fuite est trop rapide et je suis trop inconsistante pour qu’une main m’attrape, pour que quelque chose me retienne.
Et puis le vide se densifie petit à petit. Au bout du vide, mes tempes cognent toujours. Elles cognent en même temps que mes pas que j’avais oubliés et qui frappent le sol, de ce rythme mécanique et monotone, lourd comme le balancier d’une comtoise. Alors je m’accroche au métronome de mes jambes qui scande les minutes qui passent, interminables et grises. J’y reste collée pour ne pas perdre ce fil d’Ariane qui s’est enroulé autour de moi et cherche à me repêcher.
Comme un goutte à goutte imperceptible, tombent sur ma peau et remplissent à nouveau ma tête, les particules de soleil, le chant des oiseaux, les nuages qui passent, le cri d’un enfant, un chien qui jappe, l’air qui caresse mon cou, pareils à une douce transfusion. Peu à peu, je reviens lentement à la vie, chaque goutte pénètre et ranime mes yeux, mes poumons, mon ventre, puis mon cœur qui revient à lui en pleurant. J’entends et je sens alors le glissement de mes pas sur le sol, je sens le poids de mes membres peser lourdement sur la terre et je sais à quel point le poids de la chair est lourd à porter.
MT © 15.03.2006
Peut-être qu'en entrant dans tes entrailles
Tu trouveras la force de te recréer
De mettre au monde ce nouveau visage
Qui n'a plus d'histoire ni de nom
Peut-être marcheras tu alors
Avec au ventre cette densité
Née de toutes ces morts assumées
De toutes ces défaites pleurées
Qui te laissaient au coeur un goût de venin
Peut-être sentiras tu alors
La Vie qui germe en silence
Et t'emmène sur un chemin sans destination
Où tu rêves à chaque pas
D'être dépouillée de tous tes fardeaux.
MT ©
Tout s’enroule autour de la vie,
Le vent autour des forêts
Les branches autour de leur tronc
Les ailes des oiseaux autour des fleurs
Les pétales doux autour des pistils
Les vagues autour des coquillages
Les bras autour de l’amour
Quand il prend la forme d’un cœur aimant
Il semble si facile alors de le contenir
Dans sa fugace manifestation.
MT ©
Femme et fleur
Tout en toi respire le ciel et la terre
Ton esprit, ton cœur et ton sexe
Partout le ciel s’y est jeté sans retenue
Laissant la trace de ses galaxies
Qui sèment leurs poussières tourbillonnantes
Partout la terre t’embrasse sans retenue
Cherchant tes parfums exquis
Dans chaque pli de ton corps
Qui s’enroule et danse, s’ouvre et se ferme
Jusqu’à retrouver la palpitation de l’amour.
MT ©
Rouges sont mes racines
Qui cherchent la terre
Comme on cherche l’eau du puits
Rouges sont mes racines
Qui cherchent le cœur
Comme on remonte un fleuve à contre-courant
Fleuve rouge sang
Où coulent silencieusement
Toutes les blessures de femmes
Emportées dans un flux sans fin
Vers l’océan profond de la vie.
MT ©
J’attends. J’attends comme on attend la pluie, avec le corps tiède et tendu, la nuque lourde, la peau moite et brûlante. J’attends avec les mains ouvertes, les pieds nus posés sur la terre qui tressaille. J’attends. Plus j’attends, plus il me semble que mon corps s’enfonce, se fragmente et se mélange à l’herbe drue sous mes pieds, aux cailloux ronds et doux, au calcaire qui crisse entre les racines des arbres, à la faune minuscule qui vit et habite sous la terre. Plus j’attends, et plus il me semble grandir, m’allonger jusqu’à perdre forme, m’étirer vers le ciel qui m’aspire, me déplie, me déploie, me disloque comme il disloque les nuages qui s’en vont et s’effilochent en bandes de coton transparentes. Le vent lèche mon dos, étend mes ailes qui s’agitent, palpitent, tremblent et frissonnent au milieu des nues pommelées.
J’attends, entre ciel et terre, plantée entre ces deux forces, sans savoir où jeter mes amarres, le corps tiède et tendu, les yeux brûlants, l’âme fiévreuse, le cœur agité par la parole d’un homme aux yeux clairs et transparents qui m’a dit de regarder. Il dit que quelque chose viendra, qu’il faut regarder, là où je croyais les portes fermées. Mais avec quels yeux me faudra-t-il voir ? Car c’est l’invisible qu’il faut chercher, épier, débusquer et attraper comme un songe impalpable. C’est l’invisible qu’il faut traquer et faire émerger d’une vie aussi lourde qu’un rocher, pour le rendre saillant, tangible et éclairant.
Alors je ferme les yeux, sachant qu’ils ne me seront d’aucun recours, et j’attends. J’attends comme on attend la pluie, d’une attente douloureuse et fertile. Quand on attend la pluie, on scrute le ciel à l’affût de ses moindres signes. Je ferme les yeux et j’écoute, j’ouvre ma chair comme un parchemin, pour laisser le ciel choisir sa page, choisir son heure, me brûler comme il m’a déjà brûlée de sa lumière éphémère. Lovée dans une confiance fragile, j’attends les premiers signes. Je sais que mes cheveux voleront dès la première brise, je sentirai l’humidité du ciel descendre doucement, ma peau de buvard se régaler des premières gouttes et se tendre vers l’infini.
MT © 2006
Dans mes bras il y a ton écorce
Derrière laquelle coule la sève de nos mémoires
Il y a ce rugueux, cette rigueur, cette limite
Où je m’appuie et me colle
Pour laisser couler les chagrins qui viennent
Comme des marées mouillant le sable de tes racines
Dans mes bras il y a ta force
Cette densité plantée entre ciel et terre
Ce solide évanescent où voyage l’invisible
Où mes doigts circulent sur tes cicatrices,
Nœuds, mousse, lichens et sillons profonds
Cherchant à sentir l’écho de nos blessures semblables
Dans mes bras, il y a mon cœur
Qui contient toutes tes saisons
Les couleurs flamboyantes de l’automne
La nudité humiliante de l’hiver
Et le souvenir des verts tendres
Où nos vies jaillissaient à l’unisson
Dans mes bras, il y a ta surprenante fragilité
Laissée au bon vouloir des hommes
Qui donnent vie et mort à tout ce qui existe
Et qui d’un geste tranchant et vif
Savent si bien, insouciants,
Décapiter la majesté qu’ils ignorent
Dans mes bras il y a cet adieu
Cette plainte douce et inaudible
Cette caresse qui t’encercle
Sans que mes doigts se touchent
Cette incantation pour toi et la beauté
Où, ramenée à mon humilité,
A genoux dans l’humus,
Je prie pour que la Vie continue
Et que la Terre nous porte
Sans jamais dénouer nos racines.
MT©
Au cœur de l’hiver
La route avance comme un serpent froid
Les nuits, d’une densité d’obsidienne,
Semblent sans promesses
Prisonnières du carcan des ombres
Peut-être te sens-tu désespéré
Fatigué des épreuves
Ereinté par les renoncements
Meurtri d’être jeté si loin de l’amour
Quand tout en toi y aspire
Sache pourtant qu’au fond de l’abysse
La vie travaille inlassablement pour toi
Elle prépare dans l’alchimie des chaudrons
Le nectar qui coulera pour demain
Lorsque tu ne sens qu’immobilité
Tout s’agite déjà sous la terre
Tout se déploie dans un mouvement ordonné
La nature travaille à sa perfection
Et t’offre le reflet subtil
D’un triomphe prochain
Encore inconnu de toi
Lorsque tu sens mourir l’ancien
Le bourgeon se prépare déjà à éclore
Le vert tendre pointe sous l’humus
Plus fort que la mort
Plus fort que tes idées noires
Vois aussi cette fleur qui s’attarde
Ayant attendu tout l’été pour fleurir
Sa robe rose enfilée à la hâte
Radieuse couleur offerte à l’hiver
Au sein d’un jardin abandonné
Regarde, tout réapparaît sans cesse
Au creux des éternels recommencements
Pourquoi retenir hier
Pourquoi redouter demain
Au milieu des bruns et des gris
Jaillit la lumière par petites touches
Bouquet de surprises en devenir
Que l’an neuf propose à ta témérité
Ce premier de tous les jours te rappelle
Que tout renaît à chaque instant
Que tout s’accomplit à son rythme
Chacun fleurit à son heure
Et propage son éphémère cadeau
A qui prend le temps d’être là.
MT ©
Aujourd'hui tu vas naître
Tu vas naître parce que tout meurt en toi
Lentement
Ou de façon fulgurante
Toutes ces peaux du passé
Se déchirent, tombent une à une
Inutiles et desséchées
Elles rejoignent l'humus de la Terre
Pour fertiliser la graine d'or
De l'enfant divin
Qui sommeille au creux de ton coeur
Aujourd'hui tu vas naître
Car tu as dit oui au pire
Tu as pris la mort dans tes bras
Mis le désespoir au fond de tes poches
Comme des cailloux blancs
Qui balisent ton chemin
Tu vas naître
Avec toutes tes blessures
Tissées en toile d'araignée
Où les bénédictions s'égrainent
Comme des gouttes de pluie
Tu vas naître
C'est écrit à chaque seconde
Annoncé par chaque raie de lumière
Tu seras au monde
Là,
Entier, entière
Avec ton coeur d'enfant
Qui éclabousse d'amour
Chaque instant de la vie.
Tu vas naître
Et la joie sera ton manteau.
MT ©
Michèle Théron, praticienne de santé naturopathe, femme en chemin, je vous partage sur ce blog des articles, de la poésie, des photos créés par moi, et les citations, articles, vidéos qui nourrissent mon chemin et m'inspirent.