Le blog de Michèle Théron lejour-et-lanuit.over-blog.com
Un feu couve en silence. Un feu couve sous la braise, dense, ronde, serrée autour d'un point incandescent qui palpite aussi fort que le cœur, tambour lourd qui résonne dans les plis de la chair en sommeil. Un feu couve et attend son heure, comme un volcan endormi, avec son magma qui bouillonne, gronde, se soulève avec la force d'une marée aux vagues rondes, épaisses, luisantes et rougeoyantes.
Un feu couve en moi, profond comme la nuit, brûlant comme les soleils d'été. Il tourbillonne dans une spirale chaude qui remue mon ventre, cuit mes entrailles, éclate mes cellules en répandant leur miel, doré, sucré, suave, dont j'étale la douceur à l'envers de ma peau tremblante, palpitante, alors qu'elle transpire encore de la terreur de demain et du chagrin d'hier. Un feu couve, prêt à tout brûler, prêt à tout saccager de ce qui est ancien, il crépite pour faire fondre mes remparts, dissoudre mes os, faire de moi juste un étendard qui flottera au vent, claquant bruyamment dans le ciel avec la régularité du battement de mes veines. J'entends pulser, claquer la toile au tissage épais, aux fils croisés comme des doigts entremêlés, je l'entends, comme un claquement de langue, sonore, sec, qui résonne avec son écho qui traîne et rebondit derrière comme les ricochets des cailloux lancés sur l'eau, je l'entends comme un claquement de doigts qui bat la mesure, qui swingue avec le rythme de la vie, lancinant et insistant.
Le feu allume tout ce qui est sec en moi, il unit dans une même flamme ce qui était séparé, flottant, abandonné. C'est la foudre qui a jeté la première étincelle, comme une brûlure imposée à ma peau, comme une blessure offerte à mon cœur qui sait enfin saigner, s'épancher et battre, qui gonfle tel une éponge trop lourde prête à éclater.
Le feu appelle l'air, le vent, la brise, il appelle le baiser qui mélange les souffles, il implore pour pénétrer la chair, il gémit pour pouvoir travailler et consumer ce qu'il y a encore à consumer. Il ordonne, il soumet, il mate en maître intransigeant et impitoyable la matière qui fond comme une glaise qui sera bonne à pétrir. Inutile de résister, au risque qu'il ne se fasse plus violent encore, de peur qu'il ne soit plus carnassier, plus dévorant, plus gourmand.
Mais céder au feu n'est pas la fin de l'incandescence. Céder au feu, c'est nourrir le prochain feu, c'est préparer la prochaine étincelle, comme une foudre sans fin qui pleut sur le cœur, c'est laisser tomber les étoiles en pluie serrée et glacée, petits couteaux dorés qui tailladent la peau, la percent de milles trous creusés méthodiquement, pour amener encore et encore plus près du néant, là, tout au bord, là où les pieds ne veulent pas aller, là où quelque chose résiste, accroché par un fil invisible qui s'enroule autour des chevilles comme un liseron envahissant, grimpant sur les jambes pour immobiliser le corps.
Céder au feu, c'est préparer les prochaines larmes, les prochaines descentes dans l'ombre, c'est entrer dans la lumière pour sortir par le tunnel de la nuit. C'est se laisser irradier par le rouge qui consume pour être bientôt dissout dans des ténèbres de tourmaline.
Alors parfois, le corps résiste. Il résiste à demain, au chagrin, à la brûlure programmée qui attend son heure, à cette incandescence qui submergera comme une nouvelle marée où il faudra couler, se dissoudre, se noyer, sans être sûr de ressusciter. Il résiste au plaisir de la fusion, pour fuir le goût de cendres dans la bouche, quand le feu s'est éteint, quand le froid est revenu, quand le tonnerre s'éloigne tel une onde imperceptible et que le silence prend à nouveau toute la place.
C'est alors que vient l'envie de fuir ces quelques secondes où la mort se répand dans la gorge avec son goût de métal, avec cette acidité et cette âcreté écœurantes qui remplissent les veines et glacent le sang. Vient l'urgence de refuser d'être ce gisant laissé sur la grève, vidé de son feu, vidé de sa lumière, même si elle est passée si violemment, transperçant chaque parcelle de peau.
Puis vient encore et encore cette nécessité de différer au delà du possible cet instant flottant où plus rien ne bouge, où tout semble consumé, en attente des prochaines braises qui rallumeront le prochain feu pour sentir à nouveau la vie qui pulse aussi doucement que le ventre d'un nouveau-né. Feux allumés, éteints, puis allumés sans cesse, comme des témoins qui passent d'heures en heures, pour dilater la vie, la tendre entre ciel et terre jusqu'à la dernière étoile, improbable, incertaine, inaccessible.
Alors parfois, il est urgent de résister encore, de rester debout et immobile avec ce feu qui gronde en silence, qui brûle sans consumer, qui remue sans rien faire basculer. Résister pour mieux écouter, pour mieux sentir dans les plis de l'âme et dans les plis de la chair, à quel instant tout va céder, à quel moment les flammes vont jaillir, dans cette fraction de seconde où tout chavire, où le corps ne peut plus rien, sinon se laisser emporter et consumer dans le feu qui l'habitait.
Un feu couve sous les braises ardentes prêtes à s'éteindre quand le cœur est gris, quand le corps souffre trop, quand les yeux ferment leurs volets de bois lourds.
Elles rougeoient, clignotent comme les phares qui pulsent au-dessus des vagues dans une nuit épaisse et peuvent tout à coup s'immoler, laisser le froid les fendre comme un sabre mortel. Elles se figent alors dans le froid pour se vêtir d'un noir à faire peur, le noir de l'oubli, celui de l'enfer.
Mais quand le feu est là, je sais qu'il vient allumer les fenêtres de l'âme.
MT © 2006
Un jour tu seras épousée
Pénétrée
Vibrante
Un jour tu seras épousé
Pénétrant
Vertical
Toi et lui
Toi et elle
Unis dans l’intime des retrouvailles
Dans la complétude de deux corps
Ou dans l’unité d’un seul
Le cœur tintant comme une cloche
Pour fêter les épousailles
Et tu chanteras pour le chœur céleste
Heureuse, heureux d’avoir retrouvé
La légitimité de ton couple intérieur.
MT
Je crois que mes vœux pour 2017 seront beaucoup moins poétiques que les années précédentes ( 2013*, 2014*, 2015*, ). Descente dans la matière oblige…, comme si ce n’était pas l’heure de sublimer les messages par un langage allégorique ou poétique qui risquerait d’être éthéré…
2016 a mis beaucoup d’entre nous le nez dans notre glu, nos ombres, nos émotions non digérées et a fait se lever des voiles pour entrapercevoir quelques vérités pas toujours bonnes à voir, mais aussi des vérités qui petit à petit vont nous ramener sur notre chemin, le chemin de notre âme.
Dans ma vie personnelle comme dans beaucoup d’histoires que j’ai écoutées et observées dans mon entourage, je vois que de grosses valises cabossées, éventrées, d’où débordaient de vieux oripeaux, ont été déposées. Pour certains un gros tri de leur contenu a été fait. Il peut rester encore pas mal de choses en suspens, mais le délestage a commencé.
Dans les relations de couple ou amicales, même épuration, avec beaucoup de ruptures et la fin de relations toxiques.
Nous laissons derrière nous les personnes parasites, la maltraitance, qu’elle soit verbale, psychique, relationnelle, le non-respect, la trahison, la malhonnêteté, -jusqu’à la spoliation-, les fausses histoires, les cœurs vides, les faux-semblants, les demi-teintes, la tiédeur, le devoir, les obligations, les attachements excessifs, le non-discernement, le manque d’éthique, le désamour.
Pour cela nous rendons aux autres ce qui leur appartient afin de ne plus être leur bouc-émissaire, de ne plus recevoir les projections, les jugements, la colère ou la hargne qui ne nous sont pas destinés. A chacun de rendre (symboliquement !) la souffrance reçue, sans faire payer le prix à autrui, et en dernier ressors accueillir cette souffrance en soi-même pour s’approcher encore plus près de sa blessure originelle.
Cela signifie d’avoir fait un travail de cohérence interne, pour reconnaître la place de chacun dans ses relations et ne pas se tromper de personne ni de rôle.
Cela signifie que cela doit être intégré, pas seulement compris.
Cela signifie que l’enseignement de nos expériences est descendu dans notre structure, dans notre matière, dans notre façon d’être à l’écoute de soi et que nous avons suffisamment regardé nos schémas de fonctionnement, nos ombres pour ne pas les projeter à l’extérieur et en faire payer le prix aux autres.
Cette fin de cycle nous amène à tourner la page, sans plus se poser de question, sans plus traîner, sans plus tergiverser. Soit les gens nous font du bien, nous respectent, savent nous écouter, avoir de la tolérance, et sont capables de nous rejoindre dans ce que nous partageons avec eux, soit ces conditions ne sont pas réunies et alors nous risquons de subir la double peine : celle de recevoir cette violence injustifiée et de nous faire violence nous-mêmes si nous ne disons rien ou si nous ne changeons rien à la situation. Ce coût psychique est élevé, il plombe notre être et nous empêche d’avancer.
C’est en partie pourquoi, par choix ou par obligation, tant de relations sont parties de notre entourage. Elles seront remplacées, au fur et à mesure, par des relations qui nous conviennent.
Avant cela, la solitude peut être au rendez-vous. Ne la fuyons pas. C’est un temps nécessaire. Un temps de reconstruction, de retour sur soi, pour faire des bilans, pour honorer ce que vous avons perdu, pour honorer la force que vous avons eu de traverser les expériences, les épreuves, d'avoir frôlé la mort, pour honorer les personnes laissées derrière nous, elles nous ont montré, à leur façon, une partie du chemin.
La vie, ce sont des milliers de routes. Il est parfois difficile de savoir laquelle prendre. A chaque fois que quelqu’un ou quelque chose nous fait changer de direction, nous fait abandonner une voie, notre chemin se simplifie, l’horizon s’éclaircit. Quand nous en prenons conscience, nous pouvons remercier, pas forcément les mauvaises expériences en tant que telles, mais l’intelligence de la vie qui nous aide à aller vers l’essentiel.
Honorer ses pertes, c’est se mettre en résonance avec la saison de l’hiver, où les forces de vies semblent englouties, où la mort semble prendre le dessus. En nous aussi, nous pouvons sentir la mort, la mort de toutes ces parties qui appartiennent au passé, ces parts qui ne servent plus à rien, qui nous encombrent, tout ce que nous sommes obligés de laisser derrière nous et qui ne reviendra jamais comme l’enfance, la jeunesse, des étapes de vie, une personne disparue, tout ce que le temps emporte avec lui.
Cela demande du temps et de l’espace pour pleurer toutes ces pertes. Si on ne le fait pas, nous portons alors en nous de multiples deuils jamais aboutis, jamais soldés, jamais terminés, qui se reportent d’année en année, de relation en relation et qui contaminent notre vie.
En laissant derrière soi l’inutile nous allons donner plus de forces à nos valeurs profondes, peut-être même que de nouvelles valeurs mises en sommeil vont émerger.
Si nous disons adieu au mensonge, au parasitage, à l’irrespect, à la trahison, la maltraitance, au malheur, etc. alors nous allons pouvoir valider et accueillir l’authenticité, le partage, le respect, la fidélité à soi-même, la bienveillance, la délicatesse, la lumière, la chaleur, la vérité intérieure, la compréhension et l’accueil mutuel, tout ce qui nous nourrit réellement et nous permet d’être en accord profond avec notre vraie nature.
C'est le temps aussi pour glaner tous les cadeaux reçus, quelle que soit leur forme : nous avons été épaulé, soutenu, nous avons reçu un sourire, du temps, de la compréhension, des petits cadeaux imprévus, une invitation, des messages, des pensées, des fleurs, de la présence, tous ces souvenirs constituent notre cagnotte d'abondance qui garde notre coeur ouvert, rempli de gratitude.
Dans ce passage qui ressemble au vide, où rien ne semble en action, faisons confiance au processus. La nature reprend toujours son cours après l’hiver et les tempêtes, et chaque printemps voit refleurir la vie et ses possibles. Il nous appartient de ne pas perdre espoir jusqu’au moment du grand retournement, cet instant où tout rebascule de la mort vers le vivant. Dans les passages de pertes, de déconstruction, nous n’avons pas beaucoup de pouvoir, sinon celui d’accepter et de lâcher prise.
Notre seule force est de continuer, même dans cette mise à nu de notre vulnérabilité, à croire avec une totale confiance en demain et ses forces de transformation.
Je vous souhaite de pouvoir descendre vos racines profondément dans la terre, pour fleurir bientôt au plus haut vers le ciel.
Que 2017 vous soit douce et vous transmette la force du 1, celle des commencements et du renouveau.
MT
Ne demande pas : "Qu'est-ce qui va se passer ensuite ?" Laisse cela être une surprise. Un arbre ne se demande pas ni ne prévoit où il devrait faire pousser la prochaine feuille ou faire apparaître le prochain fruit. Non, sa vie tout entière n'est qu'un déploiement. Sois l'arbre de vie qui se déploie tout simplement.
~ Mooji
Chère lectrice, cher lecteur
Je ne sais pas si je dois te souhaiter un "Joyeux Noël".
Si je m'en tiens à l'étymologie du mot "noël", qui a grandement à voir avec la naissance, tu admettras que la naissance n’est pas simplement « joyeuse », mais qu’elle peut se faire avec une certaine peine, un certain effort, voire une certaine douleur.
Non que tout cela ne soit pas à accueillir avec Joie.
Mais le passage qui y mène n’en reste pas moins un passage parfois ardu, où il faudra à la fois ne rien lâcher de ce qui est essentiel, et abandonner bien des attachements illusoires, comme un vieux cordon ombilical ne servant plus à rien, une fois sa première fonction nourricière disparue.
Dans ce goulot étroit menant à toi, à ta naissance, à la naissance de toi agrandi, ta respiration se fera plus courte, ton corps sera sous pression, tes sens seront en éveil pour témoigner de chaque centimètre gagné et de chaque centimètre perdu, laissés derrière toi comme de vieilles peaux.
Laisse-toi pleurer, laisse-toi souffrir encore un instant dans ces derniers arrachements, laisse remonter des tréfonds de ton corps les traces des vieilles blessures, si profondes qu’elles en étaient devenues invisibles.
Laisse-toi mourir, de honte, de chagrin, d’abandon, de rage, de tout ce qui frémit sous ta peau et qui fait de toi une femme vivante et un homme vivant.
Laisse dire ceux qui te veulent lisse, anesthésié(e), bien-pensant, sans saveur, juste pour que eux n’aient pas mal et ne soient pas écorchés par tes soubresauts.
Laisse-les t’accuser de n’être pas assez, d’être trop, de ne pas être au bon endroit, à la bonne heure, l’important c’est que tu sois à ton heure, à ton bon-heur, les deux pieds sur le chemin qui mène à toi et à toi seul(e).
Ne t’accroche pas à ce et à ceux qui te quittent. La lumière ne tolère pas la tiédeur.
Laisse-les s’enfuir, laisse s’enfuir ce qui est déjà mort. Ce qui est vivant viendra à toi sans encombre.
Et là, oui, tu pourras te réjouir, tu pourras être au cœur d’une naissance joyeuse, assumée, une natividas où tu seras à la fois le parent et l’enfant. Parent bienveillant venant accueillir son enfant divin et enfant merveilleux venant initier un élan joyeux vers la Vie.
Et la Joie viendra que l’un et l’autre se seront pris dans les bras.
MT
Dans la nuit
Brille parfois une lueur
Lointaine
Ancienne
Inaccessible
C’est un appel
Comme une voix profonde
Un serment, une promesse
Inaudibles pour toi, là,
Dans cette nuit sans étoile
Une flamme s’est brisée
Tu ne te rappelles plus quand
Tu en gardes le souvenir mordant
Dans cette chair silencieuse
Et tu sais que le mouvement
Etait ton ancienne demeure
Où la lumière grandissait
Comme des ronds dans l’eau.
MT ©
Voici un nouvel album qui réunit certaines de mes photos, avec de courts textes, des "messages de lumière", inspirés par les fleurs.
Je sais... ce n'est pas pour tout de suite, mais Noël va arriver bientôt (ou une autre occasion si ce message vous arrive en cours d'année).
Si vous avez des cadeaux à faire et si vous souhaitez privilégier des cadeaux hors système commercial, issus de la création, personnels, sensibles, je vous propose "Messages de lumière", livre de 50 pages qui regroupe certaines de mes photos accompagnées de messages connectés à la lumière.
Livre format A4, papier belle qualité haute brillance 170 g/m², couverture rigide.
60 euros + frais d'envoi.
Me contacter via le formulaire de contact.
Un exemple de 2 pages intérieures :
Couverture : (sans la signature)
Autre album disponible : "Messages de transformation"
Même caractéristiques (format, prix, qualité), textes et photos différents
Troisième album disponible "Au coeur des fleurs"
Même caractéristiques (format, prix, qualité), textes et photos différents, mélange de Messages de lumière et Messages de transformation
Et toujours le premier modèle que j'ai créé, Au coeur des fleurs, format carré 22 x 22 cm, à spirale, couverture souple, façon petit cahier, permettant de poser le livre ouvert à une page, pour garder le message visible.
42 ou 52 pages, 38 ou 40 euros
.
Par le feu qui me traverse
Que ta volonté soit faite
Par le feu qui brûle et consume
Que ma dissolution soit faite
Par le feu qui féconde toute vie
Que la mort vienne comme une amie
Par le feu qui engendre toute mort
Que la vie rayonne et soit pure lumière.
Par le feu qui enfante la brûlure
Que les épousailles soient célébrées
Que la morsure devienne douceur
Que l’entaille devienne offrande
Et que l’amour infuse toute chose.
MT ©
Ce soir, la vie est comme un vase qui se brise. Avancer, c’est mettre les pieds dans des éclats coupants, c’est crever des poches de venins que l’on voudrait retenir. Mais la boue est là, elle coule toute seule, elle noie le cœur, crève les yeux, fait remonter les limons amers que j’avais oubliés. J’ai la bouche en feu, brûlée par la bile, les yeux rongés par le sel des larmes. L’amour semble se dissoudre à jamais. Plus rien ne brille, ni hier ni demain et le présent n’est qu’un orage où la foudre tonne et coupe le ciel. Il pleut à n’en plus finir ce soir, et le ciel entre en moi comme un couteau froid aiguisé par le chagrin.
La pluie tombe, lâche ses gouttes qui tissent un mur haut et sonore. De l’autre côté de ce rempart d’eau, loin, inaccessible, un homme pleure sans larmes. Entre lui et moi, juste cette eau qui résonne avec la force d’un torrent qui dévale. Plus de pont. Plus de passerelle. Juste cet espace liquide où chacun se noie. Juste ce silence mouillé qui colle à la peau et me fait trembler. Les épines du passé se plantent dans mon dos, font de moi cette suppliciée, cette femme coupante et coupée qui ne sait plus parler. Tout en moi se révolte et se gèle en même temps. Je veux le feu et la glace. Je veux incendier et anesthésier les heures qui passent et se serrent contre moi comme des corbeaux noirs criant la mort.
Derrière la pluie lisse comme un écran où mon regard se colle, caché par l’épaisseur des murs, pourtant silencieux et lointain, je ne vois que lui. Je devine son aura, ses palpitations, ses mains nouées, sa respiration courte, je devine sa lassitude, mais je ne sais même plus la figure qu’il a. Je ne sais plus où prennent forme et son corps et son cœur, où l’un et l’autre me touchent et me parlent. Tout se mélange, l’amour et la haine, les blessures coulent comme cette marée du ciel qui trempe les trottoirs et remplit les caniveaux sombres de la rue. En bas de la fenêtre, là où mon regard n’a pas de prise, la rue hors d’atteinte pleure un chagrin dont je ne connais pas le nom et la ville fébrile et pressée se noie dans les eaux opales du ciel.
L’amour espère encore, alors que depuis longtemps les dés sont jetés. Scellés par un pacte mystérieux, les destins accouchent de leur vérité, ils répandent leur lave brûlante qui martyrise la terre et brûle les cœurs. L’espoir est tenace. Il veut voir vivre tout ce qui n’est plus, tout ce qui était attendu et n’est jamais venu. Il veut remonter jusqu’à la source, voir à nouveau jaillir les commencements radieux, palpiter les aubes tendres, sentir le souffle de la vie qui s’annonce. L’inachevé voudrait naître, se mettre en pleine lumière, prendre forme dans des matins clairs. Un dernier rêve fermente, gonfle dans une bulle opaque qui se cogne sous la peau qui crie son désespoir. Mais plus rien n’est à naître, quelque chose s’est englouti hier sans bruit et vient hurler aujourd’hui à nos portes. Comment vivre la mort. Comment absorber la défaite. Comment plonger dans ce néant qui remplit désormais nos vies.
Si je savais, je prierais la pluie pour qu’elle m’apprenne à couler avec le présent, pour qu’elle me montre comment laisser les larmes se noyer dans l’amour désenchanté. Je prierais la pluie pour qu’elle me dise pourquoi elle engloutie toujours les chants d’amour dans le silence, je lui demanderai comment danser avec elle pour être fluide et légère et n’être que cette onde qui s’avance et s’abandonne sous le poids du ciel.
La pluie est muette. J’ai ouvert la fenêtre, les gouttes craquent doucement, elles tombent comme une douche grise, indifférente au jour qui décline.
Quelque chose doit mourir qui n’est pas encore mort. Quelque chose doit finir qui s’éternise dans des soubresauts douloureux. Le passé agonise sous mon regard impuissant. Une agonie, c’est toujours trop long, c’est toujours trop court. C’est ce temps incertain où la volonté oscille comme un balancier, où rien ne s’affirme, où les forces jouent avec hier et demain pour les annuler, c’est ce temps où rien ne semble bouger hormis le chagrin qui monte et descend avec la mobilité d’un mercure sous pression.
MT 2007©
C'est en découvrant le magnifique travail de Debra Bernier,
et cette sculpture en particulier,
que j'ai repensé à mon ancien texte sur "La fêlure".
Je vous invite à aller voir ses créations ici,
c'est juste bouleversant de beauté, de féminin et de sacré.
Je crois bien que tout a commencé ce soir là.
Ce soir de juin encore tiède, quand j’ai fermé les volets de la chambre, ma chambre d’enfant dans cette maison que je n’habitais plus. La soirée se terminait. J’avais ouvert la fenêtre de ma chambre, la main posée sur le bord des volets. Prête à exécuter le rituel qui marquait l’heure de la nuit et notre séparation imminente, mon geste est resté en suspend. Devant moi, le jardin frissonnait et la pénombre avait envahi la rue et, plus loin, le boulevard. Dans ce soir ordinaire, tombant sur un jardin de banlieue, tressaillait l’imperceptible voix du destin.
La nuit flottait au-dessus de moi comme un voile annonciateur. Je me rappelle avec quelle évidence et quelle force la brise me murmurait qu’un monde était entrain de partir.
Ancêtres, enfance, amours de jeunesse, assurances d’autrefois, vieux souvenirs incertains, descendaient comme une pluie appelée par la terre et tombaient devant mes yeux. Toutes ces petites choses sur lesquelles on bâtit sa vie, semblaient suivre la trace du jour et s’enfuir. Comme si d’un coup, elles passaient dans un autre monde, happées par une trappe mystérieuse. Avec le vent qui passait doucement au milieu des branches, se faufilaient aussi les bribes de mon passé, s’échappant comme de longues écharpes de soie, sous mes yeux impuissants. Ma respiration s’était ralenti furtivement. Un mouvement secret et large se dessinait, là, dans la nuit, devant mon corps immobile. Tout aussi immobile était l’espace tout autour, figé dans l’évidence du message donné. Aucun bruit ne résonnait à mes oreilles, sinon ce singulier signe d’adieu à un monde qui mourrait. Une nostalgie inconnue m’avait envahie, laissant au milieu de cette tranquille vérité, la trace d’une déchirure imperceptible.
Une fêlure avait commencé son œuvre. Elle avait pénétré mon regard en chevauchant la nuit et s’était déposée sur ma peau de buvard qui frissonnait dans le soir encore tiède.
La fêlure zébrait la surface du présent, avec une lenteur calculée et une douceur qui n’était qu’apparente.
Le zigzag prenait son temps.
Il cherchait son chemin dans ma vie où chaque chose avait encore sa place.
Il avançait comme une flèche muette, cherchant une cible encore inconnue.
Pourtant la mire était pointée, dans un savant calcul propre à l’univers.
Une fêlure avait commencé son œuvre. Elle travaillait minutieusement à la séparation des choses et des êtres, dans un silencieux fracas.
MT © 2005
Michèle Théron, praticienne de santé naturopathe, femme en chemin, je vous partage sur ce blog des articles, de la poésie, des photos créés par moi, et les citations, articles, vidéos qui nourrissent mon chemin et m'inspirent.