Longtemps nous avons marché,
Longtemps, longtemps…
Avec acharnement…
Nous avons marché
Vers les villes, les tours de béton, les trottoirs sales
Vers les machines et les progrès illusoires
Nous avons marché
Vers des mondes gris et bitumés
Vers des images fabriquées, des paroles plates, des verbes creux
Vers des prisons aux barreaux invisibles
Nous avons fait tant d’efforts
Pour atteindre ces lieux virtuels mis à nos pieds
Tels des chemins célestes promis à nos infinis désirs
Et nous avons pactisé avec tant de geôliers
Dont le plus puissant réside en nous-mêmes.
Nous avons marché vers les néons,
Vers les soleils pâles, vers les lumières déchirantes
Nous avons marché à nous en user l’âme
Pour n’arriver nulle part
Pour nous découvrir dénaturés, enfermés, affamés et perdus
Exsangues de cette marche sans fin et sans repos.
Puis vint cette faille, cette rupture, ce gouffre ou ce néant
Cet endroit de terres arides où plus rien ne pousse,
Où la lutte doit cesser, où le chemin s’arrête
Où nous cessons d’avancer et de marcher
Bénis par un questionnement sans réponses
Un retour aux profondeurs.
Nous, moi, toi, toi, et toi.
Tu as fait volteface, tu as posé ton regard sur un autre horizon,
Plus vaste, mystérieux, inconnu, peu fréquenté.
Tu as mis fin à la marche forcée
Et tu chemines dans l’envers du décor
Tu soulèves les voiles, tu brises les obstacles
Tu déchires les toiles qui te tiennent captif
Tu marches vers les parts oubliées de toi
Celles que tu ne voyais plus
Accaparé à courir vers les promesses et les ombres chatoyantes ;
Tu ramasses les parts blessées laissées à l’abandon
Celles que tu ne soignais plus
Accaparé à combler les puits sans fond du système
Tu marches vers les souvenirs endormis
Ceux qui furent remplacés par les souvenirs fabriqués du monde
Et tu rassembles tout le précieux que tu avais perdu
Laissé au bord du chemin pour courir plus vite,
Petit Poucet égaré dans la forêt, sans cailloux blancs.
Maintenant tu marches autrement
Tu marches vers la lumière, vers la Source
Tu marches vers le silence, la beauté et la paix
Tu marches vers ton cœur convalescent
Vers le cœur convalescent du monde
Qui se mettent à battre ensemble, doucement comme un tambour.
MT